jeudi 14 janvier 2016

De Star Wars à l’effondrement financier

Article original de James Howard Kunstler, publié le 21 Décembre 2015 sur le site kunstler.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr


 
Théorie du jour : Le nouveau film Star Wars est à gober comme quelques maigres restes d’un lucre jetable pour les écorchés économiques de l’Amérique, la classe moyenne inférieure. En fait, je propose un nouvel indice montrant une relation inverse entre les recettes de Star Wars au box office et la solidité du bonheur commun financier. En d’autres termes, Star Wars est tout ce qu’il reste de l’économie américaine en dehors des rouages obscurs de Wall Street – et ce royaume autrefois magique ne semble pas si rose en cette saison de la grande hausse des taux après que l’indice Dow Jones a dévissé de 623 points jeudi et vendredi dernier.


Ici, je l’avoue : depuis trente ans, j’ai haï ces stupides films sur l’espace, autant pour leurs scénarios mal écrits (déroulant d’absurdes histoires entre deux explosions) que pour le techno-narcissisme dégénéré qu’ils favorisent dans une société mourant littéralement des rendements décroissants et des conséquences inattendues de la technologie.

Cela s’ajoute à une période de Noël sinistre. Il s’avère que le véhicule de la Réserve fédérale, l’Open Market Committee, conduit lors de son jeu de la poule mouillée [celui qui retire ses billes des marchés en dernier, NdT] avec une réalité venant en sens inverse, était un corbillard. Les occupants sont des fantômes, mais ils ne le savent pas. Un grand nombre de commentateurs sur le Web pense que la Fed a appuyé sur la gâchette des taux d’intérêt pour sauver sa crédibilité. Euh… faux. Ils avaient déjà perdu leur crédibilité. Ce qui reste, c’est pour que ces fantômes regardent, impuissants, un enchaînement impressionnant qui de toute évidence était en route depuis un certain temps : le crash des prix des matières premières (et d’économies nationales entières – par exemple le Brésil, le Canada, l’Australie), les régions pourries sur les marchés obligataires, la mort corrélée de l’industrie du pétrole de schiste et l’implosion de certains hedge funds.

Pour ainsi dire, ces derniers jours tout le crédit semble défraîchi et usé, comme si les marchés de capitaux s’étaient furtivement transformés, dans un basculement depuis la position optimiste précédente. Qui croit à autre chose ces jours-ci sinon à l’attrait de la fraude? Les capitaux sont censés être abondants ces jours – regardez combien les acteurs se sont précipités vers le dollar depuis leur précédentes positions «tout sur les marchés émergents» avec leurs ziggourats vacillants de mauvais prêts et les excès de capacité de production – mais qu’est-ce qui constitue encore le capital ?
Réponse : la foi déclinante que quelqu’un va vous rembourser mardi prochain pour un hamburger aujourd’hui.

Nous entrons maintenant dans la phase de découverte de l’effondrement financier, où les choses étiquetées capital et crédit se révèlent être de simples hologrammes. La présidente de la Fed, Janet Yellen, avait elle-même une sorte de regard holographique mercredi dernier [16 décembre, NdT] quand elle est montée sur sa plate-forme de Delphes pour révéler la nouvelle sur les taux d’intérêt, annoncée de longue date. Peut-être Mme Yellen est-elle la fiction évoquée par Industrial Light & Magic, la boutique de George Lucas (maintenant détenue par Disney). Qu’est-ce qui pourrait être plus approprié dans une culture de faux-semblants ? Quoi qu’il en soit, la découverte désagréable que le capital n’est pas ce qu’il a semblé être est en cours, avec le pouvoir de faire dérailler les systèmes politiques et les sociétés.

Y a-t-il quelqu’un qui pense que la campagne présidentielle n’est pas complètement surréaliste ? Et bien, c’est une analogie avec la folle politique financière de l’Amérique. Le disgracieux M. Trump reflète nécessairement les justes griefs de la grande masse du public, mais quelqu’un a-t-il remarqué qu’il est incapable d’enchaîner deux pensées cohérentes ? Je suppose qu’une pensée à la fois, ou peut-être le bout d’une pensée, est suffisant pour satisfaire les masses bredouillantes, confrontées qu’elles sont au vol, sans coup férir, à la fois de leur patrimoine et de leur avenir. Mais il ajoute quelque chose d’autre, comme un vol à l’aveuglette au travers d’un orage avec votre pilote dans les affres d’un infarctus cérébral. Je ne veux pas être dans cet avion.

Et puis il y a le reptile volant géant connu simplement comme Hillary. Elle va exploser les restes tristes et infects du Parti démocrate et ensuite elle va présider à l’éclatement des États-Unis comme société techno-industrielle avancée. Ce résultat final est sans doute inévitable d’une manière ou d’une autre, mais le voyage n’a pas besoin d’être si dur. L’Amérique a besoin d’une vision d’autre chose qu’elle-même dans un match de démolition permanente, qui, en passant, ne sera pas résolu en poussant tout le monde dans une Tesla au lieu d’une Ford F-150.



Ce n’est pas seulement la Réserve fédérale, tout autour de nous est dans les cordes. Viens, janvier, quand l’éclat de Star Wars se sera fané depuis longtemps, et vous entendrez à la place, durant les longues nuits sombres, un hurlement de rage des animaux.

Joyeux Noël à tous.

James Howard Kunstler

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