vendredi 22 janvier 2016

Prévision 2016 : boire le calice jusqu’à la lie


Article original de James Howard Kunstler, publié le 04 Janvier 2016 sur le site kunstler.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

Il y a vraiment un élément suprême de cette histoire que vous devez garder à l’esprit à tout moment : une société (à savoir une économie + une politique = une économie politique) basée sur une dette qui ne sera jamais remboursée est certaine de s’effondrer. Ses institutions vont cesser de fonctionner. Ses activités vont se gripper. Ses dirigeants seront démoralisés. Ses habitants vont réagir et renâcler. Sa richesse va s’évaporer.



Compte tenu de là où nous sommes dans l’histoire humaine, c’est-à-dire une période où la techno-industrie est allée trop loin, il ne sera pas facile de se relever de cet effondrement. Pas comme, par exemple, les reconstructions rapides du Japon et de l’Allemagne après le fiasco brutal de la Deuxième Guerre mondiale. Les choses sont allées trop loin dans de trop nombreux domaines. L’effondrement à venir va repositionner les conditions de la vie civilisée à des niveaux largement pré-techno-industriels. Jusqu’où va-t-on revenir en arrière, cela reste à voir.



Ces termes pourraient être un peu négociables si nous pouvions accepter la réalité de cette remise à zéro et nous y préparer. Mais, hélas, la plupart des gens capables de penser par les temps qui courent préfèrent des vœux pieux techno-narcissiques à une évaluation basée sur la réalité du lieu où les choses se passent, et préfèrent attendre passivement des remèdes technologiques pour le sauvetage (« ils » vont surement trouver quelque chose), qui permettra à tous les rackets actuels de se poursuivre. Ainsi les voitures électriques vont permettre à l’expansion urbaine de continuer à être l’environnement quotidien préféré ; la médecine moléculaire permettra d’éliminer le rôle de la mort dans les affaires humaines ; des nouveautés autour de l’énergie, encore inconnues, nous permettront de garder toutes les commodités et le confort de fonctionnement qui nous sont familiers ; et la prestidigitation financière mobilisera le capital pour rendre tout cela possible.

Oh, en passant, voici un deuxième élément de l’histoire auquel il faut prêter attention : la plupart des activités en cours aux États-Unis d’aujourd’hui ont tourné au racket, c’est-à-dire en programmes malhonnêtes pour gens cupides. C’est apparu encore plus visiblement et malodorant dans les informations récentes concernant la médecine et l’éducation, deux domaines qui, autrefois, intégraient au plus profond de leur structure les vertus les plus sacrées, développées pendant la courte histoire de l’activité humaine civilisé e: le devoir, le service, etc.

Cela fait des années que je prédis que ce consortium du racket finirait par connaître des défaillances, et jusqu’à présent, cela a semblé ne pas avoir eu lieu, du moins pas à des degrés catastrophiques. J’ai également soutenu que de tous les systèmes complexes dont nous dépendons pour la vie contemporaine, celui de la finance est le plus déconnecté de la réalité et donc le plus susceptible de montrer les premiers signes d’effondrement. La grande particularité de ces derniers temps a été la capacité des hiérarchies bancaires à recourir à la fraude comptable pour prévenir toute prise en compte des sommes pharaoniques de cette dette irremboursable. La leçon qu’ont tirée ceux qui applaudissent le triomphe de la fraude, c’est que le mensonge fonctionne et qu’il peut se poursuivre indéfiniment, ou tout au moins jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus être coupables, grâce à la retraite, à la mort, ou au délai de prescription pour leur crime.

Bien sûr, cela en dit long sur le genre de société que nous sommes devenus, où le racket est devenu si normal et omniprésent, et sur le fait qu’échapper à ses responsabilités ait été élevé au pinacle comme une sorte d’enviable compétence. En fait, l’art de l’esquive a pris la place de ce que l’on appelait l’honneur. Nous vivons dans une époque de bassesse qui n’honore que les hommes faibles. Ironiquement, nous affectons de n’admirer que des super-héros parce qu’il est devenu impossible d’imaginer de simples humains montrant du courage, de la force et le respect de la vérité. Tout comportement est provisoire et équivoque. Toute loi peut être interprétée pour servir ce contre quoi elle a été créée. Tout passe et rien n’a d’importance.

Alors que cette année débute, je vais essayer de décrire ce qui est arrivé jusqu’ici, où nous en sommes, et où je pense que les choses vont aller. Ma méthode est émergente et heuristique. Je suis allergique aux tableaux et aux graphiques, qui sont parmi les principaux outils des racketteurs et des imprésarios en vœux pieux pour déformer la vérité. Malheureusement aussi, l’analyse statistique joue avec l’illusion que si vous pouvez mesurer suffisamment de choses, vous pouvez les contrôler. (Et si vous déformez les mesures à dessein, vous pouvez alors faire semblant d’être au contrôle.) Cette illusion de contrôle est le point faible du système financier. Quand elle finit par ne plus illusionner personne, le système financier tourne à la catastrophe.

Je suis plus intéressé par le long terme que par l’instant présent. Le tourbillon des événements comprend généralement plus de vecteurs et de facteurs qu’aucun calcul ne peut gérer. Les résultats peuvent facilement s’écarter du linéaire. En fin de compte, c’est un exercice qui pourrait être appelé une histoire de l’avenir, c’est-à-dire tout simplement une histoire.

Services bancaires et marchés

Le grand événement de l’année écoulée a été la version de la pièce de théâtre En attendant Godot de la Réserve fédérale concernant ses taux obligataires. Lorsque Godot s’est finalement montré deux semaines avant la fin de l’année, c’était sous la forme attendue, mais pitoyable, d’une remontée d’un quart de point de base, qui donne l’impression d’un possible demi-point en hausse, mais avec la perspective bien plus probable qu’il reste à l’extrémité inférieure de l’échelle (alors que les taux réels de financement au jour le jour étaient déjà de quelques points de base au-dessus de zéro, de sorte que l’augmentation a été en réalité inférieure à ces 25 points de base).

Le fond de cette mascarade était assez clair pour toute personne au cerveau non endommagé par le temps passé à jouer à Candy Crush sur son téléphone : la Fed a augmenté les taux dans une économie mondiale vacillante ; elle a été forcée d’agir à la fin de l’année pour ne pas perdre les derniers lambeaux de sa crédibilité (décision prise pour dire «vous voyez qu’on fait ce qu’on dit») ; et elle a laissé la porte ouverte à une retraite en 2016 si nécessaire. Mais les dommages causés à la Fed étaient déjà là. Ils ont été démasqués comme une machine de propagande impuissante contre les véritables marées de l’économie, n’apportant que méfaits et incompréhension et, comme résultat final, minant tout rapport solide entre l’argent et l’activité humaine réelle. Tout ce qu’ils feront en cette année électorale sera considéré avec méfiance, en particulier comme du proxénétisme en faveur du couronnement d’Hillary Clinton. Sa relation avec les plus grandes banques est bien comprise. Donc, ils ont dû faire leur grande manœuvre en décembre.

Les marchés boursiers ont glissé un peu en dessous des cours cette année (sauf pour le Nasdaq), qui a glissé de plus de 5% (la techno-magnificence dirige !) – avec un petit dégueulis à la fin de l’été, corrigé par la Chine qui a renfloué ses propres marchés boursiers pourris et ses casinos avec sa monnaie.
L’or et l’argent ont continué leur baisse, qui dure depuis quatre ans grâce à des décharges massives et répétées, dès l’aube, de contrats à terme avant que les commerçants de New York ne soient même sortis du lit. Les graphiques montrent de façon concluante cette activité de l’ombre, soulevant la question : pourquoi un vendeur voudrait-il largement dégrader le prix de ce qu’il cherche à vendre, en vendant sur un marché où les acheteurs ne sont pas présents… ou même pas réveillés ? La réponse semble être : pour faire en sorte que le dollar semble plus solide qu’il ne l’est vraiment.

Les nombreuses années de ZIRP (politique de taux d’intérêt à 0 %), combinées avec l’accumulation de la dette précédente, peu susceptible d’être remboursée, a fait qu’il est de plus en plus difficile d’émettre une nouvelle dette ayant encore moins de chances d’être à son tour remboursée. Mais la ZIRP a également annulé la relation entre les taux d’intérêt et le risque. Dans un système non manipulé par les interventions des banques centrales, avec de telles perspectives négatives, les taux d’intérêt devraient être beaucoup plus élevés. Bien sûr, les taux d’intérêt plus élevés ne feraient que rendre les nouvelles obligations encore plus susceptibles de ne pas être honorées par leurs émetteurs, en particulier les gouvernements à la manœuvre, sous la charge himalayesque des dettes. La tension dans cette équation a été provisoirement cachée par le recours à des swaps de taux d’intérêt, des prises de position et autres machinations scabreuses, comme les produits dérivés, visant à empêcher de connaitre les véritables prix.

La fiesta des rachats de leurs propres actions par les entreprises en 2015 est le parfait exemple de l’éthique du tout passe et rien n’a d’importance. Cela s’est passé à la vue de tout le monde, dans le seul but d’assurer aux dirigeants d’entreprise qu’ils jouiraient de leurs primes et avantages sociaux, et personne ne s’est plaint à ce sujet. Malgré tout cela, rien ne s’est passé au niveau des index. Les marchés sont allés dans le fossé malgré tout le travail des initiés parce que les fondamentaux sont mauvais et que l’économie mondiale s’enfonce évidemment dans une contraction déflationniste.

Mes auditeurs tirent un plaisir sans fin de mes tentatives pour prédire l’évolution des marchés boursiers chaque année. Donc, pour ajouter à leur plaisir, je serai encore plus précis cette fois. Je prédis que le S&P sera au plus haut le 15 janvier 2016 à 21H42, puis passera sous la barre des 1000 en juin. Le carnage à la marge du marché obligataire, sur les contrats à haut rendement, va toucher le centre et nous allons enfin voir le retour sur le marché souverain européen de la réévaluation du risque. Les contrats à 10 ans français, espagnols, britanniques, italiens en dessous de 2% ? Quelle blague colossale cela a été ! Attachez vos ceintures de sécurité et vérifiez vos fonds de pension.

Pétrole et déflation

Les données concernant le pétrole ont dupé le grand public mais aussi le petit groupe d’observateurs prétendument experts. Je maintiens que la contraction déflationniste en cours dans le monde entier est en grande partie due au fait que le monde est à court d’une forme particulière de pétrole : celui à bon marché. Il s’avère que l’histoire du pic pétrolier est toujours vraie, mais elle se joue différemment de ce que beaucoup de gens avaient prédit. Nous sommes à la merci d’une équation assez simple : le pétrole à plus de 75$ le baril détruit les économies industrielles ; le pétrole sous les 75$ le baril détruit les compagnies pétrolières. Il n’y a pas de bonne et juste place sur l’échelle.

Le public a été embobiné par la chaîne de Ponzi du pétrole de schiste. Cela semblait être un techno-sauvetage fabuleux : le miracle de la fracturation hydraulique !. Il a opéré en convertissant des montagnes de capitaux bon marché en une augmentation rapide de la production de pétrole aux États-Unis. Il a bien démarré a la suite de quelques années à l’économie difficile a cause d’un baril à 100$ à extraire, alors que la demande réduite entraine les prix vers le bas. Même à plus de 100 $ le baril, presque personne ne faisait de bénéfice sur le schiste. À 40 $ le baril, le pétrole de schiste est devenu le grand perdant. Ainsi, en 2015, les compagnies pétrolières autour du schiste ont mis à pied des milliers de travailleurs, laissé inutilisées les installations de forage, en attendant un retour de manivelle, avec force prières pour que les prix remontent. Ce qui n’a pas été le cas. Incidemment, toutes sortes de projets associés ont fait faillite à cause de cela. Le paysage du Dakota du Nord est jonché de complexes d’appartements avec jardin inachevés qui pourraient l’être à jamais, et les charpentiers et couvreurs autour de ces constructions se retrouvent sans travail, retournent en voiture au Minnesota et sont attendus par leurs banquiers pour le paiement du crédit de leurs Ford F-110s. Triste, je sais…

La montée en puissance rapide de la production de pétrole de schiste de 2010 à 2014 a été conçue pour convaincre Wall Street de fournir toujours plus de capital d’investissement aux compagnies pétrolières. Cela a également fait partie d’une énorme campagne de relations publiques afin de permettre aux gens qui dirigent le business et le gouvernement de prétendre que les problèmes de pétrole de l’Amérique étaient derrière nous. Le miracle du schiste allait nous transformer en Arabie d’Amérique. Cela allait nous stimuler pour obtenir notre indépendance énergétique. Cela a joué comme le Maître des souhaits parmi tous les vœux pieux de l’Amérique : s’il vous plaît, Dieu, soyons en mesure de pouvoir prendre la voiture jusqu’à Walmart, et pour toujours. Ce n’était pas tant une conspiration diabolique qu’un effort collectif irresponsable dans le déni et l’auto-illusion.

Beaucoup de ces flux financiers venant de Wall Street l’ont été sous la forme d’obligations (pourries) à rendement élevé émises par les sociétés pétrolières, avec de grasses commissions pour les grandes banques afin de rendre attractives ces obligations lors de leur création. Ainsi, lorsque le prix du pétrole est descendu brutalement en dessous de 50$, un grand nombre de compagnies pétrolières, en particulier les plus petites, à court de trésorerie, n’ont pas pu honorer le paiement des intérêts. Ce qui nous attend en 2016 est une débâcle due aux défaillances de ces obligations et la faillite d’entreprises du secteur pétrolier aux États-Unis. Qui plus est, en raison de la géologie particulière du pétrole de schiste et de l’épuisement rapide des puits fracturés, il est nécessaire de percer sans cesse et d’en fracturer de nouveaux pour maintenir la production au même niveau, sans parler de l’augmenter. Cela demande toujours plus de nouveaux tours de financements. Mais puisque les obligations financières actuelles ne peuvent pas être remplies, un nouveau financement ne sera pas possible dans le futur. Et il n’y aura donc pas de production supplémentaire. Ce qui signifie que la production de pétrole de schiste va s’effondrer en 2016 lorsque le carnet de commandes des puits forés précédemment, mais encore inexploités, sera épuisé. Je prédis que la production de pétrole des États-Unis va baisser d’un million de barils par jour avant 2017. Cela comprend aussi la baisse annuelle d’environ 5% du pétrole conventionnel.

Certains pourraient croire qu’un tel accident pourrait pousser les prix à remonter alors que les goulots d’approvisionnement se rétrécissent. Il y a quelques problèmes avec cette supposition. La première est que l’épisode précédent, avec le pétrole à plus de 100$, a infligé beaucoup de dommages permanents à l’économie, en particulier pour les petites entreprises et les ménages (à savoir les travailleurs de la classe moyenne). Ce préjudice semble de plus en plus permanent, ce qui signifie une économie globale plus petite et encore un rétrécissement à la base de la demande, alors que les entreprises et les citoyens font faillite et restent insolvables. Si les prix du pétrole ne reviennent pas à un niveau qui justifierait une exploration et une production plus coûteuse (probablement au dessus de 110$), il va être difficile d’obtenir du pétrole. Cela ne fera qu’accélérer l’effondrement économique industriel, et le système ne peut subir qu’un nombre limité de coups avant d’être tellement endommagé que sa récupération ne soit plus possible. Un autre problème est que l’effondrement des prix du pétrole a provoqué des dommages importants sur l’industrie du pétrole elle-même, y compris sur sa crédibilité en tant que cible viable pour l’investissement. Contrairement aux espoirs et aux attentes, les prix bas actuels du pétrole ne font rien pour restimuler l’activité économique. Cela ressemble à une boucle de rétroaction qui s’auto-entretient en se renforçant même, une spirale descendante dans un système en réseau, complexe et global, assommé par les rendements décroissants de ses principales activités.

Par conséquent, je prédis que le prix du pétrole va continuer à descendre en 2016 et rester en dessous de la barre des 30 $, et que cela conduira à plus de carnage dans l’industrie pétrolière, dans le système bancaire avec des défauts sur la dette, et de nouvelles manifestations de troubles géopolitiques qui pourraient conduire à des pénuries importantes et au rationnement du pétrole. Nous ne parvenons pas à faire face au fait que notre paradigme techno-industriel a été conçu pour fonctionner avec du pétrole pas cher, qui n’est juste plus disponible.

 
Note du traducteur

Kunstler reprend là assez fidèlement l'argumentaire de Gail Tverberg sur son blog http://ourfiniteworld.com dont on vous promet la traduction de son dernier article : 2016: Oil Limits and the End of the Debt Supercycle
 
Géopolitique

Les gens deviennent très nerveux. Ils ne peuvent s’empêcher de revenir cent ans en arrière jusqu’au mystérieux enchainement vers la Première Guerre mondiale, qui a mis fin à la première itération de la mondialisation avec un bang. Les grandes nations de 1914 semblent s’être seulement malencontreusement laissé entraîner dans une débâcle que personne n’avait négociée, le massacre des tranchées, les finances nationales en faillite, la chute de trois dynasties, la montée des fascistes et des bolcheviques… Oups !

Beaucoup de gens ayant plus que la moitié de leur cerveau opérationnel voient des schémas similaires aujourd’hui, un mouvement général vers une guerre majeure par voie de pure inconséquence. Par exemple, l’effort continu mené par les États-Unis pour créer un antagonisme avec la Russie sans bonne raison apparente, entrainant les dupes de l’Otan avec elle. Je ne vais pas revenir sur notre stupide opération de déstabilisation de l’Ukraine. David Stockman en a parlé très joliment la semaine dernière sur son blog. Qu’importe, que l’action en Ukraine en 2013-2014 ait été un coup monté, l’Ukraine est désormais un État défaillant. Je prédis que l’Ukraine va mendier en 2016 à la Russie d’être reprise dans son giron souverain, de redevenir une province d’une Russie plus grande. Cependant, la Russie va protester. En réalité, celle-ci ne peut pas se permettre une telle tutelle clochardisée, peu fiable et coûteuse. Donc, l’Ukraine se tournera ensuite de nouveau vers les États-Unis et l’Otan pour mendier un soutien financier. A ce moment-là, les États-Unis et l’Europe de l’Ouest seront tellement sinistrés économiquement qu’ils feront seulement semblant de renflouer l’Ukraine, tout comme ils prétendent soutenir leurs propres économies via les manigances et les jeux de fumées de la banque centrale.

L’Ukraine va sombrer à un niveau de néo-médiévalisme fait sur mesure, traçant la voie pour tous dans le monde entier. Pensez : l’anarchie [au sens péjoratif, NdT], le banditisme, une autarcie gangstérisée, un néo-servage. Cela semble dur, je sais, mais c’est ce qu’il en est.

En 2015, le théâtre des opérations entre les États-Unis et la Russie s’est déplacé vers la Syrie. Nos maladresses monumentales au Moyen-Orient, qui ont permis la création d’ISIS, nous ont laissés dépourvus de tout moyen cohérent pour contrer la barbarie et l’animosité de l’islam radical.

Alors, notre adversaire M. Poutine est intervenu, sur la prémisse que déstabiliser ce qui reste du gouvernement syrien de M. Assad n’était pas une si bonne idée, comme il l’a expliqué très clairement à l’Assemblée générale de l’ONU. Il reste à voir si la Russie sera en mesure de pacifier la Syrie, dont une grande partie se trouve maintenant en ruines. Mais contrairement aux États-Unis, la Russie n’a pas d’intentions ambivalentes concernant ISIS. Nous avons fait semblant de croire que n’importe quel ancien gang en vadrouille et adversaire d’Assad, était notre ami. Les objectifs de la Russie sont assez simples : soutenir Assad, sauver ce qui reste des institutions souveraines en Syrie et briser ISIS. En échange, ils ont obtenu une base navale en eau chaude sur la Méditerranée. Et cela est censé être une menace existentielle pour les États-Unis.



La base du conflit régional, de toute façon, reste entre les sunnites et les chiites, ce qui veut dire des maniaques islamiques parrainés par l’Arabie Saoudite face à d’autres maniaques islamiques parrainés par les perses. Malheureusement, cela se traduit par un conflit d’intérêts entre l’Arabie Saoudite et les États-Unis d’un côté, l’Iran et la Russie de l’autre. Ajoutez à cela quelques joueurs ayant un joker dans la manche comme le Hezbollah et Israël, et vous avez un cocktail assez relevé pour faire monter la température. Malheureusement, les États-Unis ne parviennent pas à formuler une stratégie qui ne va pas empirer les choses pour les gens de la région ou pour le territoire américain (ou pour nos alliés en Europe, en proie à un afflux de réfugiés qu’ils ne peuvent pas absorber correctement et à une terrible menace d’événements violents).

Je pense qu’en 2016, la politique d’Obama aura pour seul objectif de s’écarter du chemin de Poutine et regarder ce qui se passe. Il n’a pas grand chose en réserve pour l’instant. La pire chose qui pourrait sortir de cette situation pour Obama, vraiment, serait de voir Poutine réussir à pacifier la Syrie. Les dirigeants américains en seraient quittes pour apparaître pour ce qu’il sont, incompétents et stupides, évidemment. Peut-être que parfois vous devez juste assumer vos erreurs. Même si Obama déteste Hillary, je doute qu’il veuille bouleverser l’ensemble de la pyramide népotique gémissante qu’est devenu le Parti démocratique de Washington DC. Il pourrait aussi être prudent et ne pas commencer la troisième guerre mondiale au cours d’une année d’élection. Il peut laisser cela à Hillary, dont le couronnement sera effectif le 20 janvier 2017.

Tout pourrait se produire dans le monde islamique en 2016. Toutes les nations islamiques sont largement surpeuplées, compte tenu de la mauvaise qualité des sols. La plupart d’entre elles occupent un territoire qui a été horriblement dégradé lors de l’explosion de la population durant ces cent dernières années, et sont en passe de souffrir face aux importantes anomalies climatiques et météorologiques qui viennent. Les gouvernements vont tomber et ne peuvent pas être remplacés par quelque chose ressemblant à une entité politique cohérente. L’Algérie, la Libye, l’Égypte, l’Irak , le Pakistan, la Malaisie, l’Indonésie ne sont que marginalement stables pour le moment. L’Afghanistan est un cas désespéré. Nous ne pourrons jamais contrôler le terrain ni les gens qui y vivent. Mais nous allons continuer à maintenir une garnison pour défendre Kaboul, prétendant que le contrôle de la capitale est suffisant.

Et puis il y a le Grand Sachem : l’Arabie saoudite, avec ses revenus pétroliers en baisse et la multitude croissante de parasites qui en dépendent. La mésaventure du roi Salman avec sa guerre civile au Yémen, a donné naissance à un autre État défaillant et a entamé les ressources de l’Arabie saoudite. Si les autres clans de l’Arabie, quels qu’ils soient, renversent Salman, ils vont également créer une ouverture aux éléments non-membres de la royauté comme ceux aromatisés ISIS pour inciter à une guerre civile multi-dimensionnelle. Un bouleversement dans le royaume saoudien produirait sûrement un trouble profond sur les marchés pétroliers. Les USA seraient perdus dans ce match de pitbulls. La tentative de stabiliser notre vieil «allié» avec des troupes sur le terrain devrait probablement marcher aussi bien que notre aventure, à côté, en Irak. Le résultat qui suivra sera plus de conflits dans cette vaste bande du monde avec de si maigres ressources, notamment en eau, avec en parallèle une guerre chaude à différentes échelles, et des mouvements de plus en plus massifs de populations fuyant la tourmente. S’ils voyagent en Europe, ils seront refoulés. Le Camp des saints devient une émission de télé-réalité.

La Turquie, avec la deuxième plus grande armée de l’Otan, aurait pu être une force pour la stabilité au Moyen-Orient, mais le président Recep Tayyip Erdogan, son homme fort, ne peut pas sortir de son propre chemin. Il ne peut pas décider s’il est au côté des islamistes ou de l’Occident et ses tentatives pour faire du pied au deux à la fois, tout en empilant un butin privé, ont laissé les deux camps soupçonneux. Dernièrement, il s’est aventuré trop loin, abattant un avion de guerre russe et recelant des biens volés sous la forme de livraisons de pétrole d’ISIS provenant de puits syriens et irakiens. Il a été incapable de mobiliser l’Otan pour se joindre à lui sur la base de l’argument du viol de l’espace aérien turc et il s’est mortellement aliéné les auditeurs occidentaux par ses actions. Il a de la chance que Poutine n’ait pas réduit Ankara en cendres. Les Kurdes à la frontière sud de la Turquie menacent de déclencher une guerre civile en affirmant leur propre nation, maintenant, comme ça, de facto. Pendant ce temps, l’économie turque est à nouveau chancelante, renforçant son statut de longue date «d’homme malade de l’Europe».

Les décennies durant lesquelles l’Europe était vue comme le délicieux parc à thème touristique à l’Ouest appartiennent au passé. Le continent est de retour dans une dangereuse mêlée générale des nations, tribus et factions, avec l’ajout d’intrus étrangers islamiques pour corser les choses. Qui sait ce qui va exploser là-bas, et où ? Quand il deviendra évident en 2016 que l’afflux de réfugiés de 2015 n’a pas été un événement unique que la zone euro pourrait absorber confortablement, les nations débuteront individuellement les déportations. En arriver là a été un chemin difficile, avec à l’esprit la mémoire de l’Holocauste. Mais, contrairement aux Juifs des années 1930, les islamistes massacrent des amateurs de concerts, piègent des métros, tirent sur des civils dans des restaurants, décapitent des journalistes, et menacent explicitement l’existence même de la société européenne. Ce qui se passe avec l’Islam est différent et nous sommes maintenant quatre générations après Auschwitz. Les Européens devraient juste revenir à la réalité pour penser sérieusement à la défense de leurs cultures nationales respectives mais aussi de la culture européenne collective.

2016 sera le prélude à l’élection présidentielle française de 2017. François Hollande a toute l’année à venir pour démontrer sa faiblesse. Mais est ce que les Français vont digérer le parti semi-fasciste de Marine Le Pen, le Front National ? La droite française n’a pas pour objectif d’affaiblir le gouvernement, mais simplement d’organiser un jeu de chaise musicale. Comme 2016 avance, regardez ce bon vieux Sarko (Nicolas Sarkozy) les talonner tous les deux. Sarko est un peu truand et aussi volontaire que Marine Le Pen, mais pas aussi fou. Les électeurs français en auront marre du style mollasson de Hollande, mais ils ne sont pas prêts pour un Hitler féminin. Sarko est un diable qu’ils connaissent et ils pourraient vouloir le voir revenir.


Note du traducteur

L'auteur se fait sans doute plaisir sur le coup avec de biens grands mots. Mais cela dénote peut-être d'un atout de Sarko l'américain. Il reste que les signaux faibles indiquent que l'establishment bancaire américain aurait choisi Juppé son french-american young leader.
 
La même échéance électorale se profile en Allemagne. Il y aura de plus en plus d’électeurs à se révolter contre ce que représente Mutti Merkel, comment elle a fait avaler un million de réfugiés islamiques à l’Europe. Ils ne sont pas prêts pour s’offrir un nouvel Hitler, soit, mais ils seront à la recherche d’une personne à forte volonté pour protéger le Volk, le peuple, contre les hordes étrangères, dont ils sont vaccinés pour de bon. Il y a aussi la question de l’Allemagne qui fait du baby-sitting avec toutes les nations en faillite au sud.

Vu comme 2016 se présente, les PIIGS vont finir aux soins financiers intensifs. Espagne, Italie, Portugal, Grèce finiront par avoir à faire face à l’absence d’acheteurs pour leurs obligations et à la mascarade de leurs faibles taux d’intérêt. L’Espagne, pour ne parler que d’elle, n’en a pas fini avec le problème de la sécession catalane. Le Portugal a besoin de retourner à son 18ème siècle. Les clowns de Bruxelles n’ont pas de plan pour réparer les finances de la zone euro au-delà d’un assouplissement quantitatif massif qui ne peut pas être éternel. Celui qui remplacera Merkel comme chancelier pourrait être celui qui va sentir que l’Allemagne doit mener l’Europe vers le chemin de la sortie de cette monnaie fantaisie qu’on appelle Euro et de toutes les terribles obligations qui en découlent.

La Grande-Bretagne est à part, encore à la recherche d’un terrain d’atterrissage. Elle n’a pas d’économie en dehors des escrocs de la City, sa version de Wall Street. Les élites, droguées, perdent leur emprise sur cette capitale financière revendiquée après des années de pratique aux limites, alors qu’une bonne partie de son activité se déplace vers Shanghai. Le Premier ministre conservateur David Cameron est l’obligé des grandes banques. Le leader du Parti travailliste, Jeremy Corbyn est un unioniste romantique de gauche de la vieille école dans un pays où il ne reste que peu de main-d’œuvre industrielle. Contrairement à la France ou l’Allemagne, le système parlementaire de la Grande-Bretagne peut amener un nouveau gouvernement sans préavis. L’implosion de la dette en 2016 et la Grande Dépression 2.0 qui est en route vont pousser Nigel Farage du parti UKIP «UK Independence Party» sous les projecteurs pour sauver ce qui reste de la vieille Angleterre.

La grande question au sujet de l’Asie est de savoir si la Chine peut trouver son chemin pour sortir de l’impasse dans laquelle elle est prise au piège : un système bancaire ancré dans la corruption clientéliste, de la mauvaise dette partout, et des investissements improductifs comme jamais vus ailleurs dans le monde auparavant. Le pays est étouffé par un excès de capacité industrielle alors que le monde entre dans une contraction épique avec la saturation partout. Peuvent-ils continuer à pousser à la consommation des végétariens diarrhéiques et des clones de Han Solo [Référence à Star Wars, NdT] dans un monde noyé dans la merde en plastique et trop abîmé pour acheter quoi que ce soit ? Ils ont encore 3 400 milliard de dollars de réserves de change pour se renflouer, en théorie. Mais cela commence à affecter la valeur de leur monnaie adossée au dollar, et leur principal partenaire commercial (nous, les USA) peut jouer sans fin au jeu de la guerre des monnaies avec eux pour les dissuader de se débarrasser du reste des bons du Trésor américain qu’ils ont accumulés. Cela devrait les faire enrager encore plus et leur donner une motivation supplémentaire pour chercher des moyens alternatifs de se battre. C’est ça la guerre des monnaies en fin de compte. C’est aussi exactement pour ça que la Chine (avec la Russie et d’autres) créent leur propre version asiatique du FMI, la Banque de développement des BRICs, et une alternative au système international de compensation SWIFT.

Les statistiques économiques et financières chinoises sont encore moins fiables que les ratatouilles indigestes offertes par les agences américaines, mais l’index du fret de transport des matières premières à travers le monde raconte assez bien l’histoire : la Chine ne croît plus comme par le passé, au temps des bon vieux jours, voire plus du tout. Cela aura été  une belle balade qui se finit trop tôt. La fin est arrivée juste avant que le monde n’atteigne les limites bona fide de la croissance. La contraction de la Chine peut être aussi rapide que son ascension, et si tel est le cas, elle sera entraînée dans le même tourbillon récessionniste que celui dans lequel tout le monde est entré.

Ma prédiction à vue de nez pour la Chine en 2016 : après que Kim Jong-Un [Dirigeant de la Corée du Nord, Ndt] ait fait un faux pas contre son voisin du sud, la Chine envahit la Corée du Nord et y installe un système de gestion plus rationnel. Kim Jong-Un termine comme chanteur dans un cabaret à Macao. Heureux garçon.

Pour les amuse-bouches maison

Ayez très peur. Donald Trump n’est plus du tout drôle. C’est Hitler mais sans le cerveau, ni le charme. Mais il est là ou il est pour une raison. Il exprime parfaitement la dépravation de la culture dont il a jailli : narcissique, immoral, vulgaire, sans vergogne, perdu dans le fantasme et sadique. Hillary (son patronyme est connu) n’est pas beaucoup mieux mais elle est loin d’être aussi stupide, seulement plus minutieusement corrompue. Ce sont les avatars de nos deux principaux partis politiques. Ayez très peur et pleurez !

La bonne nouvelle c’est que les partis politiques explosent parfois et disparaissent de la scène, et ce serait un résultat intéressant possible à l’issue des élections nationales de 2016. Trump pourrait accomplir cela beaucoup plus brusquement avec les républicains. Il a précisé qu’il ne se sent aucune loyauté envers l’équipe rouge [Parti Républicain, NdT], et des bruits entendus dans les coulisses disent que les fidèles du parti chercheraient un moyen, soit de l’expulser, soit de mettre fin à la Créature Donald [ou The Donald, NdT]. Compte tenu de notre société américaine procédurière, le résultat direct serait de laisser prendre cette élection en otage par les tribunaux. Dieu nous préserve ! Une autre possibilité est qu’un message serait transmis à l’équipe de Trump de la part d’une combinaison d’éléments incontrôlés de la NSA et de l’armée américaine qu’il ferait mieux d’abandonner ou sinon… Cela serait fait d’une manière telle que Trump ne serait pas en mesure de l’utiliser pour épater la galerie avec des rodomontades narcissiques. Si cela ne se produit pas, et que Trump soit en mesure de se faire élire, je prédis qu’il y aura un coup d’état contre lui en avril 2017. Bonjour la crise constitutionnelle. Où cela pourrait aller à partir de là, personne ne peut le dire.

Parmi les adversaires de Trump pour l’investiture républicaine, le seul à qui je peux porter un intérêt, est Rand Paul, qui est une figure vraiment perturbatrice sans être un maniaque. En fait, je pense qu’il ferait un bon président, sobre, réfléchi, sans obligations envers les racketteurs. Mais il semble avoir une chance quasi nulle de gagner l’investiture du parti.

Hillary est le contraire d’une perturbatrice ; elle est la marraine des racketteurs. Comme les choses se présentent, cependant, elle ne ferait que présider à la Grande Dépression 2.0. Contrairement à Roosevelt lors de la Grande Dépression 1.0, Hillary n’inspirerait aucune confiance à une population hargneuse qui ne chercherait qu’à se venger des facilitateurs de son élection, à savoir les banquiers de Wall Street. La nation pourrait être entraînée dans des combats entre factions avec une possible sécession régionale où chacun voudrait avoir son heure de gloire. Mais je m’avance…. La question à portée de main pour 2016 est : peut-on arrêter Hillary ? À ce stade, je ne vois pas comment, compte tenu de tout le poids de l’appareil de parti calibré en sa faveur par l’odieux président du Parti National, membre du Congrès, j’ai nommé Debbie Wasserman Schultz.

Bernie Sanders a monté une campagne d’opposition noble, et peut-être qu’il est trop tôt pour le radier ici avant les caucus de l’Iowa et les primaires du New Hampshire. Peut-être que quelque chose peut arriver et il peut au moins tuer la candidature de Rodan, le reptile volant, mon autre surnom pour la Créature Hillary. En dehors de cela, il y a mon aversion fondamentale à la philosophie politique de Bernie auto-proclamé socialiste. Je sais que ça sonne comme une révocation facile avec une étiquette politique caricaturale, mais cette étiquette revendiquée par Bernie implique de plus en plus d’intrusion dans la vie de cette nation par un gouvernement encore plus hégémonique. L’Histoire veut nous emmener dans une autre direction maintenant, loin d’un tel contrôle hyper-centralisé, et nous y allons à contre-courant à nos risques et périls. Bien que j’admire la présence de Bernie comme une opposition vocale à Hillary, je ne suis pas chaud avec ce qu’il a à vendre.

Je sais que Martin O’Malley traîne toujours dans le coin, mais c’est une cartouche à blanc, ou un six-pack à la recherche d’une vision du monde, et je ne crois pas, comme certains observateurs l’ont expliqué que cela soit la faute des médias. Dans les quelques débats démocrates tenus à l’automne dernier, il n’a offert à peu près rien en dehors d’une liste classique de récriminations de centre-gauche issue d’une idéologie défraîchie, sans aucune identification des problèmes extraordinaires auxquels ce pays est confronté avec le point culminant de son idylle techno-industrielle, et le grave état d’urgence qui en découle.

Et voilà c’est tout ce que vous obtenez du côté démocrate pour le moment : une puissante sensation que la solution est là. Pourtant, il y a le problème très réel du côté répugnant d’Hillary et comment cela va se répercuter dans les urnes. Il y a même une assez bonne chance pour que beaucoup de femmes votent contre elle. Donc, ma conclusion provisoire / prédiction pour le concours de novembre est qu’Hillary va concourir et perdre contre un candidat encore inconnu qui ne sera pas Trump. Président Cruz ? Beurk ! Rubio ? Retour au jardin d’enfant ! Christie ? «Laisse ton flingue, prends un macaron…!» [Cure d’amaigrissement ? NdT] Jeb [Bush, NdT]? «El pendejo Supremo» [Le trou du cul suprême, NdT] ! À suivre….

Les relations raciales et la lâcheté des classes pensantes

2015 a été une mauvaise année pour les différents groupes d’Américains qui ont essayé (ou non) de s’entendre, en particulier les personnes noires et blanches. La société américaine est traversée avec force par des idéologies identitaires forgées sur les campus universitaires au cours des dernières décennies, et qui maintenant brûlent dans une orgie de plaidoiries et de victimes, la démagogie identitaire, l’hystérie sexuelle, les boucs émissaires, le despotisme intellectuel, le chantage juridique, et (ne l’oublions pas) les gesticulations des arrivistes. Plus l’enseignement supérieur devient hors-sujet, plus les inquisiteurs de la justice sociale organisent énergiquement leurs persécutions contre ceux qui n’achètent pas la ligne du parti des discriminations positives de race et de genre. En 2015, cela s’est transformé en une campagne contre la liberté d’expression et le libre examen. Les mandarins en diversité se multiplient comme les mouches sur les fruits.

Je fis l’erreur l’année dernière de suggérer que les Américains noirs y gagneraient si l’enseignement de l’anglais parlé devenait une priorité dans la scolarité primaire et secondaire et j’ai été vilipendé pour avoir dit cela. Mes adversaires n’ont pas proposé de contre-idées utiles au-delà des injures. Je soupçonne que beaucoup de gens avec de bonnes intentions sont à court de patience devant ce chantage, et c’est un chantage pour extorquer un traitement préférentiel et de l’argent de blancs culpabilisés.

Dans le domaine de la criminalité et de la police, la situation est particulièrement mauvaise. Les vies noires comptent mais pas tellement pour les Noirs eux-mêmes qui se massacrent ardemment les uns les autres dans des endroits comme Baltimore, St. Louis, Detroit, Milwaukee, et «Chi-raq» à un taux proportionnellement beaucoup plus grand que les autres groupes ethniques du pays. Les martyrs du mouvement agissent d’une façon qui peut les mettre en danger, comme par exemple, le malheureux enfant de 12 ans, Tamir Rice, tué en brandissant un fusil à plombs conçu pour ressembler exactement au calibre ACP de l’US Army de 1911, ou Michael Brown battu par l’agent Darren Wilson, ou Trayvon Martin plombé par George Zimmerman. Les flics présents sur plusieurs incidents notoires incluent des officiers noirs ; c’est un sergent femme noire qui supervisait l’action sur le trottoir à Staten Island quand ses collègues ont étouffé Eric Garner (elle n’a rien fait pour intervenir) ; les quelques policiers à Baltimore qui ont emmené Freddy Gray pour sa promenade fatale dans un panier à salade étaient noirs. C’est une scène très ambiguë, pour rester politiquement correct.

Où allons-nous avec les relations raciales dans ce pays ? Pour l’instant, pas dans le bon sens. La tendance serait, pour la police, de considérer certains quartiers comme des zones de non droits − ne serait-ce que pour éviter les gigantesques litiges à plusieurs millions de dollars qui se produisent lors de confrontations ambiguës. Certains peuvent considérer cela comme une bonne chose, mais cela va seulement accentuer l’esprit décadent que des choses se passent mais que rien ne compte dans ce pays. La grande question est de savoir si, à l’avenir, l’Amérique noire va continuer à insister dans cette culture d’opposition. Voilà ce qu’il en est advenu, même si les classes bien pensantes ne le reconnaissent pas. Ils ne vont pas non plus reconnaître la nécessité d’une culture commune dans ce pays, un ensemble de valeurs et de normes de conduite véritablement partagées.

Changement climatique

Ceci est la sous-couche de désespoir à laquelle les personnes sensées ne peuvent pas éviter de penser quand tous les autres petits problèmes de relations humaines sont résolus et que le projet de civilisation est défini. Météo surnaturelle ? Inondations bibliques ? Fontes des calottes glaciaires ? Niveau de la mer qui bouge ? Il faisait 21° à la veille de Noël ici dans l’État de New York, les pissenlits étaient en fleur dans le jardin juste une semaine auparavant. Certaines personnes que je connais ne peuvent pas s’arrêter de penser au changement climatique. Quelque part, je parviens à me le sortir de l’esprit et à ruminer sur d’autres choses, ou même à me sentir bien à propos de ce qui se passe dans le présent, un bon repas, un rassemblement d’amis, une soirée musicale en direct …. Mais c’est toujours là, tapi au fond comme la capuche de la mort dans un dessin du New Yorker.


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Relax, je viens pour ton  logiciel
Malgré le battage autour du changement climatique à la conférence de Paris, je ne suis pas convaincu que les gouvernements nationaux vont vraiment faire quelque chose, ou même que tout ce qu’ils pourraient faire permettrait d’améliorer les choses. Je ne suis même pas tellement préoccupé de savoir si le changement climatique est d’origine anthropique ou pas. Je reconnais simplement que quelque chose est en place et que comme les choses changent, nous devrons les régler. Il me semble que l’ajustement ne sera pas facile et que d’ici à cinq cents ans à partir de maintenant, il y aura beaucoup moins d’êtres humains dans le coin, s’il en reste. Du point de vue du bien-être de la planète, c’est probablement une bonne chose.

Dans le même temps, nous allons faire de notre mieux pour continuer et être aussi bons que possible pour notre prochain.

Bonne chance en 2016 !

James Howard Kunstler

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