mardi 9 février 2016

Atterrissage : capitaine Zhou Xiaochuan aux commandes

Article original de James Howard Kunstler, publié le 1er Février 2016 sur le site kunstler.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

Pourquoi quelqu’un pourrait-il supposer que la Banque populaire de Chine voudrait dire la vérité sur quelque domaine que ce soit où peut-elle mentir ? Surtout à propos de la solidité de tous les investissements dans les portefeuilles de prêts pris dans ses tentacules ? Bien sûr, l’essentiel de ce que la Chine a fait pour accélérer son effondrement financier, elle l’a appris en regardant les banquiers américains tracer leur chemin vers le nirvana du too big to fail – plus particulièrement dans la gamme des escroqueries, passe-droits et autres fraudes construites dans la pénombre du système bancaire opaque (shadow banking), pour masquer le spectacle catastrophique et soudain, après la découverte de la réalité des prix.


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Zhou Xiaochuan, né en 1948 est le gouverneur de la banque centrale chinoise depuis 2002.


Quand tant de prêts finissent réunis comme titres de garantie dans une sorte de pari contre des paris précédents, eux-mêmes engagés contre d’autres paris antérieurs, vous pouvez être sûr qu’une contagion en cascade s’ensuivra. Et c’est exactement ce qui se passe alors que la fusée Chine qui se propulsait allègrement vers la modernité retombe sur terre. Comme la plupart des fiascos historiques, cela semblait être une bonne idée à l’époque : prendre une nation d’environ un milliard de personnes vivant à un niveau équivalent à celui du douzième siècle, lui apprendre la magie de l’impression monétaire, dépenser des sommes mirifiques en achetant des engins de terrassement Caterpillar ou Kubota, construire la plus grande industrie du ciment que le monde ait jamais vue, acheter des usines clé en main et inonder la planète avec leurs productions. Mais les ennuis commencent lorsque vous essayez de vaincre les cycles économiques associés à la surproduction et aux marchés saturés.

Pauvre Chine et pauvre de nous. On n’échappe pas à l’attraction terrestre. Ce qui soulève la question : échapper à quoi, exactement ? Réponse : aux limites implacables de la vie sur terre. La métaphore de tout cela, bien sûr, est la vieille idée des voyages dans l’espace, qui persiste dans le bagout commercial d’Elon Musk, le patron de Tesla Motors et de Space X, dans ce qui reste des lambeaux de la NASA, et même dans les cauchemars de Stephen Hawking. Il faut échapper à cette planète natale poubellisée et voler vers de nouveaux territoires, disons Mars. Bien sûr, c’est une idée vaine et stupide, puisque nous avons déjà une planète conçue à la perfection pour tous les modes de vie associés au projet humain.
Nous ne pouvons simplement pas en respecter les limites.

Alors maintenant, ce duo dynamique, Nature et Réalité, propriétaire actuel de la planète, s’est pointé pour lire son acte de sédition aux locataires, dans une équipée furieuse. La quatrième et peut-être ultime crise financière de ces vingt dernières années commence à se traduire en termes que seuls les rapaces et les vautours peuvent voir d’en haut. George Soros, Kyle Bass, et les autres charognards du système bancaire de l’ombre se préparent à mettre fin à la vie misérable de l’ancien Empire du Milieu. Les mots immortels de G. W. Bush sonnent à l’oreille : «This sucker is going down» [La bête est en train de crever, NdT], et ils sont sûrs de gagner gros en pariant sur l’évidence. Le problème est que cette bête pourrait descendre beaucoup plus bas qu’ils ne l’imaginent, et que quelles que soient les fortunes qu’ils vont tirer de sa chute, elles seront effacées par la destruction du système économique qui leur est nécessaire pour profiter de leurs gains.

Par exemple, habituellement, lorsque les systèmes bancaires tombent, les gouvernements suivent, et lorsque les gouvernements sont à terre, les sociétés souvent se défont. Il ne faut pas un grand effort d’imagination pour comprendre que les leaders du bureau politique du parti unique Chinois vont y perdre le respect des masses qu’ils dominent, puis la maîtrise des événements, le tout suivi d’une grande lutte entre les régions et les factions pour rétablir un peu d’ordre. Et quand la fumée se dissipera, il y aura un tas de béton et d’acier sans valeur, une vaste perte de richesse virtuelle, et la Chine aura la chance de décrocher un retour simple pour revenir à sa configuration du douzième siècle.

Il doit être intéressant pour la Chine de regarder la désintégration mortifère de la structure des partis politiques de l’Amérique actuellement à l’affiche, avec le taureau furieux appelé Trump, déchaîné à travers la prairie et l’inévitable Miss c’est-mon-tour, candidate désignée, détournant le bien collectif pour la plus grande gloire de Goldman Sachs. La dernière fois que la Chine a eu ses vapeurs politiques – pendant la soi-disant révolution culturelle des années 1960 – le pays est devenu fou. Sûrement qu’une fraction du parti au pouvoir s’en souvient avec terreur.

Ou peut-être est-ce l’instant Thelma et Louise de la Chine et des États-Unis. Pied au plancher, ils conduisent vers l’abîme de l’histoire en se tenant la main.

Rappelez-vous, les spectateurs ont adoré !

James Howard Kunstler

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