jeudi 31 mars 2016

La comète de la contre-révolution de couleur


Article original de Dmitry Orlov, publié le 22 Mars 2016 sur le site Club Orlov
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr 



Alex Podesta
Si Sun Zi avait été co-auteur d’un traité sur l’art du sport avec le Captain Obvious / [Capitaine J’enfonce-les-portes-ouvertes, NdT], une citation de ce travail séminal serait probablement écrite sous cette forme : «Si votre équipe continue à jouer un jeu offensif et ne cesse de perdre, elle finira par jouer un jeu défensif, et perdra aussi.»



Cela coule de source, non ? L’équipe que j’ai à l’esprit est celle du régime de Washington, infestée de néoconservateurs, qui est maintenant presque universellement détestée, tant aux États-Unis qu’à l’extérieur de ses frontières. Et le jeu offensif qui a été joué était celui du syndicat des révolutions de couleur, avec George Soros signant les chèques et appelant à faire le coup de feu. Ayant perdu du terrain partout dans le monde, il tourne maintenant son attention pour tenter de conserver son propre terrain, qui est aux États-Unis. [1]



L’œil du Mordor – Voir la note 1
Derrière le régime de Washington se trouve un groupe d’oligarques transnationaux, y compris un grand nombre des personnes parmi les plus riches du monde, et le jeu qu’ils jouent est le suivant :

1. Accabler des pays à travers le monde avec des niveaux de dette impayables, dont la plus grande part est volée dès qu’elle est versée, laissant une population sans cesse aux abois avec des conditions de remboursement insupportables. C’est une relation habituelle des États-Unis envers des pays à travers le monde, et cela a récemment été mis en place contre les États-Unis eux-mêmes.

2. Ce jeu se traduit souvent par une rébellion, et les dirigeants nationaux corrompus de ces pays rebelles doivent mettre fin à cette rébellion en utilisant tous les moyens nécessaires. Mais s’ils n’y parviennent pas ou s’ils prennent parti pour les rebelles, alors ils doivent être régime-changés et remplacés par un leadership plus servile, et le syndicat des révolutions de couleur entre en action.

3. Le premier stratagème est d’organiser les jeunes dans un mouvement de protestation non violent (non violent est entre guillemets, parce que les mobilisations de rues, arrêtant le commerce et bloquant les accès aux bâtiments publics, sont tous des actes de violence). Leur but est d’éroder les limites de ce qui est autorisé, jusqu’à ce que la loi et l’ordre se décomposent et que le chaos et les dégradations prennent le relais. À ce moment-là, la direction qui doit être régime-changée est censée sauter dans un avion pour ne plus jamais faire parler d’elle. Mais si cela échoue, la prochaine étape du programme est…

4. Les assassinats de masse. Des snipers sont transportés par avion et tuent beaucoup de gens sans distinction [manifestants ET policiers, NdT], tandis que les médias occidentaux accusent le gouvernement en cours de renversement d’être responsable des morts. À ce stade, la plupart des dirigeants nationaux, sentant que leurs vies sont en danger, choisissent de fuir. C’est ce qui est arrivé avec Ianoukovitch en Ukraine. Mais parfois, comme c’est arrivé avec Hosni Moubarak, ils se retirent simplement dans une résidence bien défendue en dehors de la capitale et attendent que ça passe. Et puis une chose magique se produit : la révolution s’étouffe d’elle-même. Des unités d’autodéfense locales se forment pour protéger les quartiers ; parmi eux émerge un mouvement partisan qui contrecarre les tentatives des étrangers pour déstabiliser davantage le pays ; et, après beaucoup d’effusion de sang, la loi et l’ordre reviennent ainsi que le gouvernement légitime. Cela aurait pu se produire en Égypte, s’il n’y avait pas eu les efforts de traîtres au sein du propre gouvernement Moubarak. Mais alors il y a toujours…

5. L’assassinat politique. Si les assassinats de masse ne fonctionnent pas, il est temps d’envoyer les assassins et d’éliminer physiquement le leadership. C’est ce qui est arrivé en Libye. Comme Hillary Clinton l’a dit, paraphrasant Jules César, «Nous sommes venus, nous avons vu, il est mort!»

Méfiez-vous des Ides de Mars, Hillary !

En ce moment, on doit globalement admettre que la révolution de couleur ne suit pas bien le plan [en Ukraine, NdT] et que le régime de Washington tente de faire de son mieux pour prétendre que ce triste pays n’existe pas. Si quelqu’un parvient à rappeler le passé et a la témérité de souligner qu’il existe, alors ce fait n’a pas d’importance parce qu’il n’est pas d’un intérêt vital. Comme Obama vient de le souligner [paraphrasé par Jeffrey Goldberg écrivant pour The Atlantic] : «L’Ukraine est d’un intérêt central pour la Russie, pas pour les Américains.» Cela a mis Zbigniew Brzezinski dans tous ses états. Pour être clair, on assiste à une belle comédie quand les choses ne vont pas selon le plan prévu pour le régime de Washington.

Récemment, la situation s’est largement dégradée pour le syndicat des révolutions de couleur. Les ONG de George Soros, qui ont été utilisées pour organiser les révolutions de couleur, ont été chassées de Russie et de Chine ; la folle révolution des parapluies à Hong-Kong n’est doucement allée nulle part ; la Russie a utilisé son budget de formation militaire pour sauver le gouvernement en Syrie et mettre à la poubelle ISIS et ses amis, puis est passée à la négociation d’un règlement politique. Et quand Soros, dans un accès de dépit, a tenté d’attaquer la monnaie chinoise, les Chinois lui ont ri au nez et l’ont battu de la tête et des épaules avec une impression monétaire jusqu’à ce qu’il se retire.

Non seulement cela, mais les choses ne vont pas si bien pour le régime de Washington lui-même. Le faux duopole républicain / démocrate, qui a été utilisé pour simuler la démocratie et dissimuler le fait que tout est fabriqué sur commande par le même groupe d’oligarques transnationaux, est en difficulté : un barbare est aux portes. Son nom est Donald Trump, il a le régime dans sa ligne de mire depuis de nombreuses années. Et maintenant, il arrive pour le tuer.

Trump n’est même pas si bon dans ce domaine, mais c’est vraiment un travail très facile. Comme je l’ai dit, le régime de Washington est tout aussi détesté aux États-Unis qu’il l’est dans le monde entier, sinon plus. Le slogan de Trump, «Redonner sa grandeur à l’Amérique !», peut paraître trop ambitieux, mais qu’en serait-il si sa promesse de redonner sa grandeur à l’Amérique se concentrait sur une chose, jeter les membres du régime de Washington par terre et leur piétiner la tête jusqu’à ce qu’elle éclate ? Je suis assez sûr qu’il peut y arriver.

De plus, Trump ne cherche même pas à être aussi bon, bien qu’il soit certainement très bon pour inciter les gens à perdre la tête. Je suis tombé sur un commentateur qui a rebondi sur une idée new age de Carl Jung, avec Hitler comme réincarnation du dieu nordique Odin, et qui continue à prétendre que Trump est une réincarnation du frère d’Odin, Loki l’escroc. Mais voici une idée beaucoup plus simple : Trump est un modèle pour Trump. Il aime être lui-même, et les multitudes indécrottables trouvent en cela une source d’inspiration parce qu’ils sont malades et fatigués qu’un groupe de marionnettes désemparées leur disent comment ils doivent penser et se comporter.



Enfin, Trump obtient beaucoup d’aide de ses ennemis. Tout ce qu’ils ont à faire pour lui permettre de l’emporter est de continuer à être eux-mêmes en parlant le politiquement correct, en suivant la ligne du parti, en se distanciant soigneusement de Trump, en répétant les éléments de langage cuisinés pour eux par les think tanks de Washington, et généralement en étant aussi inutiles et ennuyeux que possible.

Alors tout ce que Trump a à faire pour gagner, est de se distinguer d’eux en étant grossier, brutal, vulgaire, odieux et en utilisant un humour bien gras. Pouvez-vous arriver à comprendre par vous-même qui les gens vont choisir entre ces gens inutiles et ennuyeux ou celui à l’humour bien gras, ou ai-je besoin de rappeler Capitaine J’enfonce-les-portes-ouvertes?

Le régime de Washington et les oligarques qui le soutiennent et en profitent, ont finalement pris conscience de tout cela, ce qui explique pourquoi ils se sont rassemblés et essaient d’organiser une contre-révolution de couleur pour arrêter net Trump. Soros et ses amis ont commencé à distribuer de grands sacs d’argent pour obtenir une contre-révolution avant même que la révolution réelle de Trump n’arrive. Ils ont d’abord été couronnés de succès avec la fermeture d’une réunion publique à Chicago avec l’aide de Moveon.org, une ONG de Soros. Mais il semble douteux que ce succès perdure. Au lieu de cela, il semble plus probable qu’ils vont créer un mouvement de soutien.

Vous voyez, la haine aux États-Unis envers le régime de Washington est très profonde, avec des millions de personnes malades et fatiguées d’être escroquées par diverses bureaucraties détestées, au sein du gouvernement, dans le domaine du droit, de la médecine, de l’éducation, de l’armée, des services bancaires… Ils détestent ceux qui ont emporté leur emploi et l’ont donné aux étrangers et aux immigrants. Ils détestent ceux qui ont volé leur épargne-retraite et ruiné l’avenir de leurs enfants. Ils détestent les types béats des universités qui passent leur temps à leur dire quoi penser et comment parler, ce qui les fait se sentir inadéquats simplement d’être qui ils sont : le sel des Américains des terres, racistes, sectaires, mesquins, paroissiaux, volontairement ignorants, armés jusqu’aux dents et fiers de l’être. Il y a très peu de choses que le régime puisse demander à ces personnes, parce que la seule réponse possible à chaque demande est : «Non, parce que nous vous haïssons.»

Et quand ces gens, qui sont déjà bouillants de haine, regardent le paysage politique, que voient-ils ? Ils voient les démocrates poussant la candidature de Clinton la copine des banquiers-escrocs avec ,pour seule alternative, le total-socialo «Je suis du gouvernement des États-Unis et je suis ici pour vous aider» Sanders, qui semble coincé dans une sorte de Grande Société sortie de l’Histoire. (Il peut y avoir des gouvernements qui obtiennent des droits socialistes, le gouvernement américain ne sera jamais l’un d’entre eux.)

Ils voient aussi que l’establishment républicain, déjà si plein de fausses louanges pseudo-révolutionnaires, a maintenant tellement peur de Trump qu’il serait prêt à laisser l’élection aux démocrates plutôt que de soutenir son propre candidat, ce qui le remplit de colère et de dégoût. Prenez tout cela, de la haine bouillonnante, mélangez-y beaucoup de colère et de dégoût, pétrissez, laissez lever, et maintenant vous pouvez faire cuire une insurrection populaire.

Et une insurrection populaire, ou un mouvement partisan, est exactement ce qu’il faut pour vaincre le syndicat des révolutions de couleur. Vous voyez, les autorités officielles, qu’elles soient dans la police, l’armée, les services secrets ou la sécurité privée, sont limitées dans ce qu’elles peuvent faire. À certains égards, leurs mains sont liées : si elles violent la loi et l’ordre dans le but de défendre la loi et l’ordre, elles vont s’embourber dans l’auto-contradiction, et cela va rendre leur défense tout simplement plus difficile la prochaine fois.

Mais les partisans peuvent faire tout ce qu’ils veulent. Ils peuvent infiltrer les mouvements de protestation et commettre des actes de violence dans le but de provoquer les autorités pour les forcer à prendre des mesures parfaitement justifiables. Ils peuvent agir pour détourner, démoraliser et faire éclater des groupes dissidents de protestation. Ils peuvent utiliser les médias sociaux pour faire sortir de l’ombre les dirigeants de la révolution de couleur et ceux qui les financent (qui, pour rester efficaces, doivent se cacher dans l’ombre). Ils peuvent se mettre en cheville avec les autorités officielles et marchander des faveurs pour de l’information.

Si la révolution de couleur montre des signes de passage à l’étape où la tactique des massacres et des assassinats politiques est sur le point d’être tentée, ils peuvent former des unités de commando pour faire en sorte que ces tactiques mènent à des conséquences massives involontaires, ce qui empêche leur utilisation productive. Et si tout le reste échoue, ils peuvent former un mouvement de guérilla qui, pour gagner, a tout simplement à ne pas perdre.

Si tout va bien, alors, dès l’an prochain, des dizaines de milliers d’agents de Washington, ainsi que leurs amis dans diverses industries liées politiquement, comme la banque, la défense, la médecine et l’éducation, vont s’enfuir vers une variété de pays sans traité d’extradition (qui vont sans aucun doute répondre à ces demandes en augmentant les prix de leurs passeports), tandis que des milliers d’autres vont commencer leurs longs séjours dans les pénitenciers fédéraux. La crise devrait ainsi être désamorcée.

Et si ça se passe mal, alors nous allons probablement envisager une détérioration de l’environnement sécuritaire. Dans quelle mesure il va se détériorer, c’est une énigme, mais si vous êtes l’un des larbins du régime de Washington, alors vous devriez peut-être vous procurer un deuxième passeport, avant que les prix ne montent, pour partir avant tout le monde.

Dmitry Orlov

 
Note du traducteur

Les dernières remarques concernent aussi les larbins des oligarques un peu partout dans le monde, en Russie et en France notamment. Le message subliminal devrait percoler doucement au fur et à mesure que la perspective d'une élection de Trump se précise.


Notes
 
[1.] Pour les fans de Tolkien, on peut faire un parallèle avec l’œil de Sauron qui braquait son attention sur le monde, distrait par l’attaque suicide du Mordor par Aragorn, gagnant du temps pour Frodon qui peut ainsi aller jusqu’à la montagne du Destin détruire l’anneau. La tactique défensive de Sauron pour contrer cet inside job arrive trop peu et trop tard, NdT 

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