mercredi 6 avril 2016

La grande nausée

Article original de James Howard Kunstler, publié le 28 Mars 2016 sur le site Kunstler.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

 

Les historiens du futur, tout en cuisant leurs  kebabs de rat sur un feu de camp, vont regarder en arrière cette année 2016 et s’émerveiller devant l’agonie de la république de zombies qui est morte en mangeant ses propres cerveaux. Cet État profond grotesque se traine d’une aventure de gouvernance à l’autre, consommant ses perspectives d’avenir possibles dans une fugue d’autophagie, provoquant cette grande nausée qui s’installe maintenant sur la terre.

Président Trump – vraiment? Nous serions heureux si cela ne conduisait qu’à une révolte des généraux, et à mettre fin à plus de 200 ans d’héritage institutionnel. Toutefois, on ne peut nier que l’État profond doit être viré manu militari, piétiné, torturé avec le supplice de la baignoire et pendu pour sécher. Le plus triste est que le travail aurait pu être fait par des hommes de caractère, mais incroyablement la génération du baby-boom si longuement vantée n’a réussi à rien produire du tout, la soi-disant génération X non plus, qui arrive maintenant au fait de sa propre puissance. Et si de telles personnalités hypothétiques existent, pourquoi sont-elles cachées dans les fourrés parmi la population?

Bon, il y a bien Bernie, après tout. On doit lui donner du crédit à ce cavalier solitaire pour s’être au moins opposé à l’avatar de l’État profond, elle [Hillary, NdT] dont le tour ne doit pas lui être refusé dans la gestion par rotation du racket et des cadeaux où nos politiques ont sombré. Il l’a battue sévèrement dans les trois dernières primaires du week-end – si largement en nombre de voix qu’Hillary doit souffrir d’une gueule de bois existentielle, comme je vous l’ai écrit. Les super-délégués de la fable qu’est devenu le Parti démocrate doivent également passer une sombre nuit pour leurs âmes alors qu’ils étudient l’anti-charisme intraitable de Hillary. Bien que j’admire le culot de Bernie, ses théories de gauche, très vieille école, de redistribution des richesses ne me convainquent pas – bien que la gestion de notre capital en diminution soit certainement au cœur de nos problèmes. Sa nomination tient donc de la plus grande invraisemblance au monde.

Sinon, le dernier meme se propageant à travers le web concerne le niveau de division des électeurs par sexe  : les hommes affluent autour de Trump (ou Ted Cruz, le va-t-en guerre), et les dames s’accrochent au costume-pantalon azur de Hillary. Oui, une guerre nationale des sexes. Juste ce dont nous avions besoin dans tout ce merdier qui tombe en morceaux. Cette diversion affligeante ne résulte pas d’une victoire du féminisme, comme c’est largement interprété, mais de l’échec de la virilité américaine. Preuve en cela, bien sûr, est la montée en puissance de Trump, cette caricature de leader politique avec tous les ornements du loubard. L’histoire se répète, d’abord comme une tragédie, ensuite comme une farce – merci, Karl Marx, O acariâtre polisson se tortillant sur vos légendaires furoncles!

Enfin, ce qui va faire tomber l’État profond n’est pas un sauveur en armure brandissant sa lance sur un cheval blanc, mais le ressac terrible de l’implosion financière qui n’attend que le changement de saison de 2016. Quand la foi dans notre argent et les instruments qui le représentent s’en iront, regardez par ici.

Il y a tellement de failles dans le système bancaire international que la perspective commence à ressembler à la débâcle printanière de la glace sur le lac des Nations. Quand les escrocs ne peuvent pas encaisser leurs chèques – ou déplacer leurs chiffres dans la colonne dépôt de leurs comptes – ils sont immobilisés. Bien sûr, si cela se produit, cela va concerner tout le monde, y compris votre capacité à acheter plus de pizzas surgelés.

Trump, Cruz, Hillary et Bernie sont des signes que ce pauvre pays paralysé doit en passer par une convulsion pour débusquer tous les idiotismes toxiques de ce moment historique.

Avertissement avant déclenchement : cela pourrait être la révolution la plus sale de l’histoire quand elle va enfin arriver, tellement le système a de crasse à nettoyer. Trump et Hillary sont comme deux fistules géantes qui obstruent l’intestin national. Bien sûr, beaucoup d’Américains sensibles ne veulent pas que leur nation meure sur les toilettes comme Elvis. Quel indignité cela serait ! Au nom des pères fondateurs, s’il vous plaît, quelqu’un, allez chercher le sac de lavement.

Des événements se cachent encore comme des pièges d’ours sur le chemin de «2016, année décisive» comme ils aiment à le dire sur les réseaux câblés. Quelque part à Londres, Singapour, Shanghai ou New York, un trader shooté du Forex, d’à peine 25 ans, va taper une combinaison de touches malencontreuses qui va faire chuter une avalanche de produits dérivés… ou deux frères d’Allah, dans une maison à Berlin s’en iront un beau matin dans leurs gilets de Semtex… Et finalement cela sera suffisant.

James Howard Kunstler

Note du Traducteur

James n'aime pas Trump et c'est rien de le dire, et même s'il n'arrive toujours pas à l'encadrer, on sent un glissement sémantique dans ce texte, où il semble s'être fait une raison car aucun Bloomberg raisonnable ne va venir sauver le coup et il va falloir se farcir l'une des deux fistules géantes. Kunstler, après réflexion, met Trump et Hillary au même niveau, faisant monter l'ancienne première dame sur la première marche de son panthéon des horreurs.

On avance. L’histoire converge. Attendons encore un peu. Est ce que Trump va rester sur sa ligne clownesque? Va-t-il s'assagir maintenant qu'il est installé sur le devant de la scène? Va-t-il retourner sa veste ? La seule certitude c'est qu'Hillary ne changera pas d'un iota, comme un phare dans la tempête ou une palourde sur son rocher ...





Les choses étant bien faites, Eric Gueguen vient de publier le dernier opus de sa série Politea sur le populisme. Cela complétera très avantageusement mon commentaire précédent sur le rôle de Donald Trump dans nos temps incertains.

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