jeudi 1 septembre 2016

Sombres dynamiques

Article original de James Howard Kunstler, publié le 15 Aout 2016 sur le site kunstler.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/en/4/4f/The_Dark_Ages_An_Age_of_Light_titlecard.jpg

Ce dont le monde est témoin, sans y prêter effectivement beaucoup d’attention, c’est la mort de notre économie basée sur la dette : emprunter les moyens de se développer maintenant à un futur qui ne peut déjà plus vraiment le permettre. L’illusion que l’avenir sera toujours là pour s’offrir à nous était un héritage de l’ère de l’énergie pas chère. Cette ère a pris fin en 2005. La promesse de base est brisée et avec elle la prémisse de vivre comme nous l’aurions dû. L’énergie disponible aujourd’hui, en particulier le pétrole, n’est plus assez bon marché pour faire fonctionner les économies industrielles conçues pour lui. De quelque façon que vous regardiez cette dynamique, la Modernité va perdre.

Avec le pétrole à moins de $50 le baril et l’essence à moins de $3 le gallon (sur la côte Est), le public pense apparemment que l’histoire du Peak Oil est morte et enterrée. Mais quand il en coûte $75 le baril pour extraire des choses de la terre, des choses qui ne se vendent que $47 le baril, le modèle d’affaires des compagnies pétrolières ne fonctionne plus vraiment. Les compagnies pétrolières travaillant dans le schiste en particulier, ont joué avec ce système en émettant des obligations qui paient des taux d’intérêt relativement élevés dans un climat d’investissement où presque rien d’autre n’offre assez de rendement pour vivre, en particulier pour les fonds de pension et les compagnies d’assurance. Deux petites bosses à la hausse cette année dans le prix du pétrole autour des $50 ont incité à penser que les bons vieux jours des prix élevés du pétrole revenaient, que le secteur pétrolier serait à nouveau rentable.

Le problème est que les prix élevés du pétrole – disons, plus de$ 100 le baril, comme ils l’étaient en 2014 – étouffent les économies avancées, de sorte que la demande pour le pétrole baisse fortement et. avec elle, l’activité productive. Sans la productivité, les dettes émises par des sociétés (et même les gouvernements) ne sont pas remboursées. Il n’y a vraiment pas de sweet spot [les puits les plus productifs en termes pétroliers, NdT] dans cette équation du coût de l’énergie.

Beaucoup de penseurs qui prennent leurs désirs pour des réalités voudraient croire que vous pouvez continuer la vie contemporaine sur quelque chose d’autre que le pétrole. Mais les solutions habituelles comme le solaire et l’énergie éolienne ne suffisent pas, surtout quand on considère que le matériel pour les faire fonctionner – le photovoltaïque, les régulateurs de charge, les batteries, les turbines et les pales – ne peuvent pas être produits en masse et distribués sans les combustibles fossiles qu’ils sont censés remplacer.
Ces questions ajoutent à la difficulté essentielle de notre temps. Elle s’exprime elle-même dans la baisse du niveau de vie pour ce qui est la classe moyenne, tout particulièrement aux États-Unis. Les pays européens ont tenté de contourner ce problème avec leurs bureaucraties rigides pour éviter à ceux qui travaillent déjà de perdre leur emploi. En France, en Espagne et en Italie, cela a seulement eu pour effet de rendre beaucoup plus difficile pour les personnes de moins de 30 ans d’obtenir un emploi. La situation de l’emploi pour les enfants du millénaire aux États-Unis n’est pas bien meilleure, bien qu’il n’y ait pas de travail protégé structurel pour leurs aînés qui travaillent encore ici. Ils vivent dans la peur abjecte de la résiliation de leur contrat de travail par les goulets des ressources humaines des grandes entreprises.

Tôt ou tard, la jeune génération va exploser de rage au niveau du système et il est impossible de dire ce que sera le résultat. Nous le voyons déjà dans les ghettos noirs, où des décennies de dysfonctionnement social accumulé laissent les jeunes hommes en particulier sans but et anomiques. La classe de perdants la plus récente, qui avant avait de bons emplois et a la mauvaise perspective de ne jamais les récupérer maintenant, s’est rangée derrière son champion incohérent, Trump, qui ne montre aucun signe qu’il comprend le dilemme essentiel de notre temps. La tragédie du trumpisme est que l’homme représente très mal un grand groupe d’Américains avec des malheurs et des griefs authentiques. Et la plus grande tragédie de notre pays en ce moment, c’est que les événements n’ont pas incité de meilleurs leaders à s’avancer.

L’explication peut être que les gens qui comprennent réellement les dynamiques sombres qui tournoient sont plutôt pessimistes quant à notre capacité à dépasser la disposition familière des choses. Hillary représente les forces de notre vie nationale qui veulent faire semblant que tout va bien, que tous les splendides rackets du moment – les interventions de la Réserve fédérale, les rachats d’actions de sociétés farcies de dettes, les roulements de tambours militaires, le racket médical, le schéma de Ponzi des prêts étudiants, la lévitation des fonds de pension, l’arbitrage des taux d’intérêt des principales banques de courtage, la prolifération de la nourriture transgénique de l’agro-business – peuvent simplement continuer comme si de rien n’était comme un vieux moteur de bateau-poubelle gardant la barge d’ordures de la vie américaine à flot. Ainsi, Hillary promet d’être le bouc émissaire du siècle, susceptible de présider, si elle est élue, au plus grand effondrement de régime que le monde ait jamais vu.

Le problème de la dette à lui seul est absolument certain de s’exprimer d’au moins trois façons principales : le krach des marchés boursiers, l’effondrement des marchés obligataires et la perte de la foi en la valeur et le sens de tout l’argent que vous utilisez. Tous ces événements vont transformer négativement la vie matérielle des économies avancées liées ensembles. Chacune d’elles pourrait se produire pendant la saison des élections américaines en 2016.

James Howard Kunstler

Note du traducteur

On peut rester étonné que Kunstler, comme Brandon Smith d'ailleurs, n'imagine pas un scénario de démantèlement des USA et d'une partie de l'Europe pour éliminer les pressions guerrières et permettre au monde de reprendre son souffle. Si les Chinois arrivent à réorienter leur économie vers une auto-consommation et un recentrage sur l'Asie, avec en plus le décollage de l'ASEAN et des routes de la soie, le pivot vers l'Asie pourrait ironiquement avoir lieu, mais sans les USA. Il faut donc continuer de suivre attentivement ce qui se passe autour du FMI et des DTS.

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