mercredi 30 novembre 2016

Le pic pétrolier dans un monde hors de la réalité

Article original de Ugo Bardi, publié le 22 Novembre 2016 sur le site CassandraLegacy
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr


Le nouvel «eldorado du pétrole» est dans l’ouest du Texas


Parfois, j’ai le sentiment de vivre dans un univers libre de faits où les lois de la physique ne tiennent que si vous croyez en elles
Ainsi, l’USGS a sorti un communiqué de presse que les médias ont diffusé immédiatement en parlant d’une grande découverte : 20 milliards de barils, quelque part au Texas dans un endroit appelé Wolfcamp. Bloomberg multiplie ce nombre par le prix actuel du pétrole et propose un titre qui se lit comme suit : Un trésor de 900 milliards de dollars de pétrole, et parle d’un «eldorado» et d’un «cadeau qui continue à donner». USA Today parle de «la plus grande réserve de pétrole jamais trouvée aux États-Unis». Et que diriez-vous des commentaires ? Quelques exemples.

 

Comme le dira notre nouveau président – DRILL BABY DRILL !!! [Creuse bébé creuse !, NdT]. L’indépendance énergétique, qui amène une belle bague [de mariée] avec elle. Un doigt en direction du Moyen-Orient arabe.
[…]
Je me souviens à la fin des années 1970, lorsque les scientifiques ont dit que nous serions à court de pétrole à la fin des années 1990. Je me demande où ces scientifiques travaillent maintenant. Sur le changement climatique ?
[…]
Ils trouvent constamment plus de réserves. Le président Trump ouvrira [au forage] plus de terrains et d’océans pour «sécuriser» les forages. Une chose a laquelle l’administration Obama n’avait aucune idée de comment faire.
[…]
Mais bien sûr la gauche radicale, déterminée à renvoyer toute la civilisation occidentale à une société de chasseurs-cueilleurs d’il y a 10 000 ans, fera tout son possible pour empêcher cette nation de devenir indépendante énergétiquement et de foutre dehors les barbares nations arabes pétrolières enragées.
Très amusant, et hors de toute réalité ! Mais supposons, pour une fois, que les faits importent. Que devrions-nous dire au sujet de la «plus grande réserve de pétrole jamais trouvée aux États-Unis» ? On peut dire : rien de nouveau n’a été «trouvé» ; La formation Wolfcamp était bien connue et déjà exploitée.

L’USGS vient de faire une nouvelle estimation ; probablement valable avec de nouvelles hypothèses. Mais ce n’est que ça : une estimation. Cela ne signifie pas que ces ressources ont été découvertes (notez que l’USGS dit explicitement  «non découvertes»). Donc, ce que tout cela signifie, c’est que, statistiquement, ces ressources devraient être là, mais personne ne peut être complètement sûr et ce ne sera pas la première fois que ces estimations s’avèrent optimistes. (Dans ce cas, le nombre rond 20 milliards est plus que suspect) [se rappeler de la Californie où les estimations ont été réduite de 96% il y a 1 an, NdT]. Mais peu importe. Supposons que ces 20 milliards de barils soient là pour de vrai. Comment ce montant s’accumule-t-il par rapport à la situation pétrolière mondiale ? Voici quelques données, tirées de Bloomberg (pas exactement un repaire de Cassandres).



Comparons ces données avec la consommation mondiale de pétrole qui, selon Index Mundi, est aujourd’hui d’un peu plus de 33 milliards de barils par an. Donc, vous voyez dans le graphique qu’au cours de la dernière décennie au moins, nous avons constamment brûlé plus de pétrole que nous n’en avons découvert. Maintenant, s’il y avait eu d’autres grandes découvertes cette année, elles auraient été assez claironnées pour nous informer. Donc, en ajoutant les 20 milliards de barils de la formation Wolfcamp au maigre total de 2016, nous n’atteindrons probablement toujours pas un total de 33 milliards. En fin de compte, tout ce que nous pouvons dire, c’est que, pour cette année, les découvertes de pétrole étaient un peu moins, plutôt que beaucoup moins, ce que le monde a consommé. Ce serait la nouvelle, si les faits importaient.

Mais ce n’est même pas le point le plus important : l’idée de l’épuisement des ressources n’est pas de savoir combien il en existe, c’est combien il en coûte pour les extraire. Ici, Arthur Berman note que Bloomberg avait calculé la valeur de ce «trésor» à 900 milliards de dollars, comme si «l’huile sortait magiquement du sol sans le coût du forage et l’achèvement des puits, comme s’il n’y avait pas de coûts d’exploitation pour le produire» ; comme s’il n’y avait pas d’impôts ni de redevances. Ensuite, Berman calcule combien il en coûterait pour extraire tout cet «océan» de pétrole et conclut qu’aux prix actuels, il en résulterait une perte nette de quelque 500 milliards de dollars.

Alors, n’êtes-vous pas heureux de vivre dans un monde sans faits ? Vous pouvez continuer à penser qu’il suffit de faire quelques trous dans le sol pour voir jaillir du pétrole dans une abondance sans fin parce que, comme chacun sait, il est vraiment «abiotique». Bien sûr, et vous pouvez également marcher dans le vide, comme Will E. Coyote peut le faire tant qu’il ne se rend pas compte qu’il le fait.

Ugo Bardi

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