mardi 27 décembre 2016

Les Iraniens devraient remercier Trump

Article original de Andrew Korybko, publié le 5 Décembre 2016 sur le site Oriental Review
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr



Cela semble probablement illogique la première fois que quelqu’un l’entend, mais l’Iran devrait vraiment être reconnaissant envers Trump, et précisément pour le fait qu’il est vu comme anti-iranien. La logique en est assez simple : les États-Unis n’ont jamais eu l’intention de normaliser complètement les relations avec la République islamique et sont toujours résolus à déstabiliser le pays. Simplement Obama a cherché à le faire d’une manière fondamentalement nouvelle en trompant les masses iraniennes sur le nucléaire (comme il l’a fait avec les masses arabes avec son discours fourbe de 2009 au Caire) en prévision d’une guerre asymétrique accélérée contre leur leadership.



Trump, cependant, est un « tireur droit au but » qui ne s’abaisse pas à de telles tromperies et dit les choses aussi directement que Reagan et Bush le faisaient, le « politiquement / diplomatiquement correct » (international) sera damné. Les Iraniens devraient être reconnaissants que Trump révèle les intentions de l’Amérique depuis toujours parce que cela signale à leur leadership qu’ils doivent continuer à prendre des mesures préventives plus intenses pour atténuer ces menaces imminentes et ne devraient jamais baisser leur garde – comme une partie de l’élite l’a fait au cours des deux dernières années.
Les « modérés » pro-occidentaux représentés par Rouhani ont été attirés par les promesses d’un partenariat économique stratégique avec les États-Unis, en particulier celui dont Washington a laissé entendre qu’il pourrait être utilisé pour « équilibrer » une Arabie saoudite « hors de contrôle ». Au contraire, les « conservateurs » dirigés par l’ayatollah et les forces de sécurité influentes de la nation ont toujours fait attention à ne pas tomber dans un tel piège et ont toujours été prudents – sinon totalement opposés – au rapprochement entre les États-Unis et l’Iran.
L’article expliquera les nuances de la politique étrangère prévue par Trump à l’égard de l’Iran et soutiendra qu’il permettra aux « conservateurs » multipolaires de conduire à un contrecoup patriotique dans la société contre les « modérés » et leurs « partenaires » américains.

Anti-iranien ne signifie pas pro-saoudien

La première chose à savoir sur Trump est qu’il a le même dédain pour l’Iran et l’Arabie saoudite, mais simplifier sa politique comme étant au profit de Riyad uniquement parce qu’elle est préjudiciable à Téhéran est inexact et ne révèle pas le contexte complet sur la façon dont on s’attend à le voir engager sa politique concernant le Proche-Orient. Trump n’aime pas l’Iran en raison de l’accord nucléaire et en raison de sa conviction et de celle de ses conseillers que Téhéran est un « exportateur de terrorisme » et un ennemi traditionnel des États-Unis depuis la révolution islamique de 1979. En ce qui concerne l’Arabie saoudite, Trump sent très fortement que le Royaume est également impliqué dans le soutien au terrorisme (spécifiquement les attaquants du 11 septembre et Daech) et il ne fait pas confiance à ses dirigeants, qui ont donné tant d’argent à la Fondation Clinton. En outre, un de ses conseillers les plus proches pense que la « deuxième fille » d’Hillary, Huma Abedin, est un agent saoudien qui a infiltré le gouvernement américain.

Les plans d’Obama

La principale différence entre l’approche de Trump vis a vis de ces deux pays est que les États-Unis sont déjà nominalement « alliés » à l’Arabie saoudite alors que la tentative ambitieuse de l’Administration Obama de « pivoter » vers Téhéran a tourné court. Elle n’a jamais été conçue pour être un processus rapide de toute façon, étant donné que laisser certaines concessions à l’Iran au cours des négociations nucléaires était fait pour l‘« amener du bon côté » et créer une ouverture stratégique unique pour coopérer avec la faction « modérée », favorable à l’Occident, publiquement en charge du gouvernement du pays. Au fil du temps, l’administration Obama et son État profond (l’armée permanente, les services de renseignement et les bureaucraties diplomatiques) ont pensé qu’un processus de transformation à long terme pourrait débuter, ce qui conduirait à une normalisation progressive et unilatérale des liens avec l’Iran, le Myanmar et Cuba. Le grand dessein stratégique de tout cela est d’équilibrer l’Iran et l’Arabie saoudite et de rediriger l’attention de Téhéran vers le nord, vers les anciens domaines soviétiques, loin de la « sphère d’influence » de Riyad dans le Golfe.

Échec stratégique

Cette politique n’a pas donné les résultats escomptés pour différentes raisons. La première et la plus importante est que l’ayatollah et ses camarades conservateurs s’opposent tacitement et même tout le temps aux « modérés », avec le chef suprême iranien attendant symboliquement trois mois entiers (ou dit autrement, un quart d’année) pour approuver chaleureusement l’accord nucléaire. Même alors, lui et ses partisans de l’État profond sont restés sceptiques que l’on puisse faire confiance aux États-Unis, leur position prudente étant finalement justifiée par l’élection de Trump et la rhétorique du candidat lui-même et des conseillers principaux qui l’entourent. Deuxièmement, l’État profond des États-Unis est resté aussi divisé que l’Iran sur la politique de pivot proposée par Obama, avec des segments influents décriant l’accord iranien comme la « vente » des alliés traditionnels américains, les Saoudiens et les Israéliens. La montée en puissance de Trump marque donc la fin du flirt des États-Unis essayant de conclure un partenariat à long terme avec l’Iran, puisque le président élu devrait revenir à la politique « traditionnelle » en doublant publiquement le soutien américain à Riyad et Tel-Aviv face à ce qu’il croit être « l’agression iranienne enhardie par la faiblesse d’Obama ».

Équilibrer Riyad et Téhéran

Par conséquent, en dépit de l’aversion intense de Trump pour les Saoudiens et tout ce qui touche à leur monarchie, il n’entend pas travailler contre l’alliance américano-saoudienne, qui date de plusieurs décennies, parce qu’il comprend que c’est la seule chose qui empêche l’hégémonie régionale de l’Iran – qu’il considère comme une menace plus pressante pour les grands intérêts stratégiques américains. La poursuite des lucratifs accords d’armement avec Riyad et ses sous-ministres du CCG forment la base structurelle de l’agenda de Trump au Moyen-Orient, mais il convient de noter que son adhésion aux techniques de fracturation hydraulique entraînera sûrement de fortes critiques saoudiennes, parce qu’elle déprime les prix mondiaux du pétrole et diminue le principal levier d’influence du Royaume sur les États-Unis. En continuant la version internationale de sa politique « America First », Trump perturbera l’équilibre stratégique entre Washington et Riyad en rendant les Saoudiens beaucoup plus dépendants des Américains que l’inverse, ce qui entre dans sa vision et celle de son conseiller pour équilibrer entre un Iran péremptoire et une Arabie saoudite bien plus dépendante des États-Unis.

Sa politique énergétique est décidément anti-saoudienne, mais le Pentagone continuera probablement à aider l’Arabie saoudite à cause de la détestation encore plus passionnée du commandant en chef de l’Iran, avec ce dangereux jeu d’« équilibrage » qui doit en fin de compte bénéficier à l’allié suprême des États-Unis,  Israël.

Dernier rire de l’Ayatollah

Cela ramène l’analyse à discuter de la façon dont tout cela pourrait tourner à l’avantage de l’Iran. Du point de vue idéal de Téhéran, il serait préférable que les États-Unis ne soutiennent pas l’Arabie Saoudite et quittent totalement le Moyen-Orient, mais cela est irréaliste et ne se produira jamais. Pas même Obama et ses stratèges avaient ceci en tête, comme en témoigne l’accord de ventes d’armes pour 1,15 milliard de dollars conclu il y a quelques mois, qui fait partie d’une plus grande transaction d’une valeur de 60 milliards de dollars convenue en principe en 2010. Par conséquent, il est très trompeur pour quiconque – que ce soit un critique américain intérieur, un partisan iranien natif du « modéré » Rouhani, ou autre – d’alléguer que Obama est / était « bon » pour l’Iran, car cela montre soit une ignorance des faits ou un trop grand optimisme qui ne correspond pas à la réalité.

La « révolution verte »

De plus, il ne faut pas oublier que la « révolution verte » a éclaté dans les rues de Téhéran en 2009 après les premiers mois de la présidence d’Obama. Même si cette tentative de révolution de couleur avait été planifiée il y a longtemps par Bush et ses alliés, c’est Obama qui a donné l’autorisation d’aller de l’avant. Ce pari de  changement de régime a été un échec pour de nombreuses raisons, mais surtout parce que les États-Unis n’ont pas mis tout leur temps et leurs efforts dans ce pari. L’idée était de sonder la réponse iranienne à une telle déstabilisation asymétrique et d’effrayer son élite « conservatrice » en cédant pacifiquement certains éléments symboliques de leur leadership aux « modérés », ce qui s’est effectivement passé quand Rouhani a remporté les élections en 2013 et a fait décoller l’impression qu’un « changement positif » de la garde commençait enfin après les années « non constructives » d’Ahmadinejad. Il avait également pour but de peaufiner les techniques américaines de guerre hybride en prévision des prochaines révolutions de couleur du « Printemps arabe » qui arriveraient dans la région un an et demi plus tard.

Les conservateurs savent mieux

Tout au long de ce processus, les « conservateurs » ont averti que les États-Unis ne pouvaient pas être dignes de confiance, même si l’ayatollah a donné son approbation pour laisser Rouhani et son équipe négocier en secret avec les États-Unis. Pourtant, à en juger par le temps qu’il a fallu pour que le guide suprême donne son approbation publique à l’accord de juillet 2015 – et de manière peu convaincante, il est clair qu’il n’était pas satisfait des résultats et estimait qu’une trahison était imminente. Il l’a même dit à plusieurs reprises, en remarquant même cet été que « l’Amérique a persisté dans son inimitié envers l’Iran depuis la révolution islamique de 1979 […] C’est une énorme erreur de faire confiance à la Grande-Bretagne et au Grand Satan ». Même si l’ayatollah a été discrètement critiqué par certains de ses compatriotes pour être trop partisan d’une ligne dure, ses doutes se sont révélés profondément prescients parce que Trump a finalement été élu et il s’est engagé à renégocier ou à ferrailler sur l’accord nucléaire, donnant ainsi au chef religieux le dernier mot face à ses adversaires.

L’ayatollah et ses partisans de l’« État profond » de la sécurité militaire savent que les ennuis sont sur le chemin, c’est pourquoi ils ont récemment conclu un accord militaire avec la Chine et réfléchissent à 10 milliards de dollars d’achats d’armes à la Russie. Une partie de cela est évidemment une réponse aux ventes d’armes à l’Arabie saoudite et aux pays du Golfe qu’Obama a accéléré et qui devrait continuer avec une résolution déterminée, et pour une autre moitié, c’est une anticipation prudente pour contrer les menaces de « changement de régime » contre l’Iran faites par l’équipe de Trump. Pour être honnête, on a aussi entendu Hillary parler de son désir de mener une guerre contre le pays, donc l’Ayatollah a sagement lancé cette politique bien avant l’élection présidentielle et avec l’idée que les deux candidats seraient nuisibles à l’ensemble des intérêts de Téhéran, peu importe à quel point leur rhétorique était trompeuse sur l’affaire nucléaire en laquelle il n’a jamais eu pleinement confiance.

Trump vérifie la vision de l’Ayatollah

Avec Trump dans le bureau ovale, cependant, il est probable que la rhétorique bourdonnante émanant de la Maison Blanche va défaire toutes les méticuleuses tromperies diplomatique et de soft power que l’administration Obama a essayé si durement de tisser, révélant ainsi la grande stratégie des États-Unis pour ce qu’elle est en réalité, essentiellement la même politique de changement de régime et d’hostilité anti-iranienne que celle qui a toujours existé depuis 1979, à peine dissimulée et dans sa « forme pure et non frelatée ». L’approche « dure » de Trump envers Téhéran ne devrait être une surprise pour personne et le fait qu’elle soit interprétée comme telle par certains indique que le récit naïf « modéré » favorable aux Occidentaux selon lequel les États-Unis pouvaient être fiables, avait gagné une place au soleil dans le pays et à l’étranger, tirant ainsi un voile d’ignorance sur les yeux de nombreuses futures victimes et les rendant extrêmement mal préparées aux déstabilisations de la guerre hybride que les États-Unis planifient (et qui seront bientôt discutées).

L’« honnêteté » de Trump prouve cependant que l’ayatollah et ses alliés « conservateurs » de l’État profond avaient raison quand ils disaient que les États-Unis resteront toujours l’ennemi de l’Iran et que les actions de l’administration Trump exerceront probablement une forte influence sur la détermination du déroulement de la campagne présidentielle de 2017 en Iran. Si l’accord nucléaire devait être discrédité parce que Trump tente d’en sortir ou continue de flirter en le faisant, et / ou si les États-Unis le violent à plusieurs reprises, alors la réaction « conservatrice » / patriotique aboutira inévitablement à ce que la société iranienne force Rouhani à rompre avec les plus enthousiastes de son camp dit « modéré » pour embrasser les vues des « conservateurs » ou faire en sorte que cette dernière faction pousse « l’un des siens » à concourir à cette élection et, espérons-le, à la gagner. Quoi qu’il en soit, l’ayatollah aura le dernier mot en renversant les gains des « modérés », bien que la division croissante dans la société entre les jeunes partisans « modérés » et les « conservateurs » comparativement plus âgés pourrait éventuellement s’approfondir en conséquence et mettre le pays sur les rails d’une éventuelle crise politique beaucoup plus sévère que la « révolution verte » qui a échoué.

Trump déchainé

Trump ne va pas pousser les États-Unis à engager une opération de changement de régime conventionnel comme celles qui ont été désespérément menées contre l’Afghanistan, l’Irak et la Libye, mais va à la place capitaliser, loin de l’héritage d’Obama, dans la promotion de guerres hybrides multi-facettes. Toutes les manœuvres militaires et les ventes d’armes ne sont que des postures conçues pour masquer les véritables méthodes de déstabilisation que les États-Unis font progresser. Prenez par exemple Daech, qui est généralement considéré dans le Moyen-Orient et partout dans le monde comme étant sous l’influence subtile des États-Unis. Trump a proclamé sa haine pour cette organisation terroriste en de nombreuses occasions et a même publiquement blâmé Obama et Hillary pour sa création. De plus, ses conseillers les plus proches et ceux qu’il envisage pour les rôles de sécurité nationale sont aussi totalement opposés à Daech.
À condition de tenir leurs promesses, il est peu probable que les États-Unis continueront à soutenir indirectement Daech de la même manière qu’auparavant, par exemple en le « poussant » dans certaines directions avec des campagnes « imprécises » de bombardement qui, par coïncidence, ne finissent jamais par tuer tous les terroristes, mais ne font que les pousser plus près des objectifs américains (comme l’Armée arabe syrienne). Trump veut anéantir Daech, et cela privera évidemment les États-Unis d’un outil précieux pour déstabiliser son ennemi iranien, mais pas s’il exploite la guerre contre Daech pour amener le matériel militaire américain, les soldats et les forces par procuration jusqu’aux frontières orientales et occidentales de l’Iran.

La distraction Daech

Trump ne veut pas s’engager indéfiniment dans des aventures militaires outre-mer, comme Bush et Obama, car elles sont coûteuses, stratégiquement inefficaces et nuisent à son désir de réorienter l’attention de Washington vers la reconstruction du Heartland américain ravagé par les néolibéraux. Il pourrait cependant prolonger des déploiements antiterroristes à petite échelle sous l’égide de Daech, comme couverture pour resserrer l’encerclement de l’Iran. Cela pourrait tout d’abord avoir lieu en Irak, surtout si les États-Unis finissent par devenir des faiseurs de Rois encore plus importants dans l’avenir politique fracturé de l’Irak post-Daech en basant des troupes dans un pays partitionné sur la base d’un fédéralisme identitaire ou avec un « Kurdistan » et un « Sunnistan » indépendant afin de se prémunir contre une « répétition catastrophique » du retrait maladroit d’Obama (que Trump et son équipe blâment pour la montée de Daech en premier lieu). En ce qui concerne l’Afghanistan, le groupe terroriste a fait des percées tout au long de l’année écoulée et est prêt à continuer à gagner du terrain s’il n’est pas arrêté, que ce soit par l’Armée nationale afghane, leurs patrons US / OTAN et / ou les talibans. Le même scénario d’intervention militaire antiterroriste décisive et de déploiement limité après un conflit pourrait également avoir lieu sous divers scénarios dans les provinces adjacentes à la frontière iranienne.

Conflit kurde

L’autre menace qui pèse sur l’Iran réside dans l’ambition des États-Unis de construire un « second Israël géopolitique » au « Kurdistan » en provenance du nord de l’Irak et de la Syrie, qui pourrait servir de refuge terroriste pour abriter des combattants kurdes anti-Téhéran. L’auteur a écrit à ce sujet longuement dans un article précédent de Katehon intitulé Le plan américain-saoudien pour provoquer un retrait iranien de la Syrie, mais le point principal est que le « Parti démocratique kurde d’Iran » (KDPI) et d’autres groupes terroristes alliés sont intéressants car ils luttent pour un Iran « fédéralisé identitairement » (partitionné intérieurement) qui diviserait le pays sur la base de groupements ethno-territoriaux et détruirait complètement l’État centralisé qui a historiquement maintenu cette civilisation diverse ensemble. La menace très réelle que cela pose explique pourquoi l’Iran ferme les yeux sur la guerre de la Turquie contre les Kurdes dans le sud-est de la Turquie et s’oppose farouchement à l’autonomie kurde dans le nord de la Syrie. L’Iran ne veut pas voir un « Kurdistan » accueillant des terroristes indépendants sortir des cendres post-Daech du Moyen-Orient et devenir un dangereux voisin aligné sur les américains et les israéliens, même si c’est précisément ce que les États-Unis tentent de faire. Trump sera favorable de façon prévisible à ceci parce que ce serait une « juste récompense » pour la « brave lutte anti-Daech » des Kurdes et la « défense des chrétiens ».

Grondement sourd des Baloutches

La dernière façon par laquelle Trump est prêt à poursuivre la guerre hybride d’Obama contre l’Iran est de faire avancer la cause du séparatisme baloutche au Pakistan et en Iran. Comme l’auteur l’a expliqué à plusieurs reprises et dans plusieurs vidéos, les États-Unis et l’Inde ont uni leurs forces pour faire tomber le corridor économique Chine-Pakistan de 46 milliards de dollars (CPEC), et l’une des méthodes pour y parvenir est de soutenir les groupes séparatistes baloutches au Pakistan, ce qui pourrait ainsi déstabiliser le port terminal du projet, Gwadar. C’est très dangereux non seulement pour le Pakistan et la Chine, mais aussi pour l’Iran, puisqu’une partie importante du Baloutchistan se trouve également à l’intérieur de la province iranienne du sud-est du Sistan et du Baloutchistan. Il n’y a aucun moyen que l’Iran puisse échapper à l’effet d’entraînement de l’intrigue américano-indienne dans le Baloutchistan pakistanais, donc ceci présente encore une autre menace asymétrique que la République islamique sera forcée à affronter. Pris ensemble, les Kurdes d’Occident, les Baloutches à l’est et Daech dans les deux sens constituent une situation véritablement menaçante, où l’Iran se retrouve soudain entouré d’acteurs hostiles, sans parler de la menace de la Révolution de couleur qui prend lentement forme à l’intérieur du pays lui-même, où les jeunes « modérés » rejettent passivement le patriotisme religieux « conservateur » de leurs ancêtres et deviennent plus « conscients » de leur « droits politiques » par la guidance indirecte américaine et le pré-conditionnement socio-structurel.

Réflexions finales

Donald Trump est l’Amérique démasquée, impétueuse, belliqueuse et pleine de fanfaronnades. Il ne se refuse pas de dire ce qu’il pense réellement à propos de quelque chose et cela inclut la politique internationale et surtout l’Iran. Les citoyens de la République islamique devraient être reconnaissants envers Trump parce qu’il ne va pas user de longueurs dramatiques et non sincères pour les flatter, les tromper et stratégiquement les désarmer comme Obama l’a fait et comme Hillary était prête à le faire. L’une des choses les plus responsables à laquelle les patriotes iraniens peuvent aspirer, c’est de prendre conscience de la véritable nature des menaces auxquelles leur pays est confronté, et Trump ne cache pas son antipathie pour l’Iran derrière la rhétorique et les fausses promesses. Ils savent qu’il n’aime pas leur pays et qu’il est prêt à agir selon ses convictions, ce qui est un réveil du sommeil stratégique où Obama et Hillary les avaient plongés. Après être revenus à la réalité et devenus conscients des menaces asymétriques réelles que le 45e président envisage de déchaîner contre eux (qui ont été cultivées pendant les années Obama et conçues pendant Bush), ils peuvent maintenant prendre des mesures préventives pour mieux défendre leur patrie.

L’honnêteté de Trump, de ses conseillers, les rumeurs sur le Cabinet choisit et les déclarations ouvertement hostiles envers l’Iran, doivent être félicitées car il est préférable de savoir qu’un loup tourne autour de vous plutôt que d’être trompé par un loup déguisé en mouton. La réalité n’est pas l’idéalisme, mais les faits froids et durs, il serait idéal que les États-Unis ne soient pas hostiles au régime iranien, mais la réalité est qu’ils n’ont jamais abandonné leurs intentions mais seulement changé la forme de leur agression, passant d’une manifestation conventionnelle de Bush avec ses porte-avions aux terroristes de la guerre hybride d’Obama. Trump n’aurait pas la possibilité d’utiliser cet ensemble diversifié d’outils de guerre non conventionnels si Obama ne les avait pas légués à son successeur, malgré l’annonce publique que les États-Unis n’étaient plus intéressés à déstabiliser leur nouveau « partenaire » iranien.

Trump dissipe le mythe qu’Obama a travaillé si dur à construire au cours des huit dernières années en faisant semblant de laisser croire que les États-Unis avaient finalement tourné la page, jouant avec les fantasmes naïfs de nombreux partisans multipolaires. La réalité n’aurait jamais pu être plus différente, mais la vraie vérité est exposée pour ce qu’elle a toujours été maintenant que Trump est élu. Les Iraniens et leurs partisans internationaux qui étaient tombés auparavant dans ce piège, peuvent se recentrer tardivement sur la myriade de menaces qui ont progressivement entouré et parfois infiltré la République islamique au cours de la dernière année.
La conscience accrue que les Iraniens éprouvent actuellement en ce qui concerne l’hostilité américaine produira probablement une réaction « conservatrice » qui est un présage négatif pour les « modérés » occidentaux. Il reste à voir quel sera l’avenir politique de Rouhani lors de l’élection présidentielle de l’an prochain, d’autant plus que l’ayatollah et ses partisans de la « sécurité de l’État » et de la sécurité militaire semblent désireux de recouvrer le plein contrôle symbolique sur le gouvernement afin de mieux mobiliser la société pour contrer ces menaces.
C’est ironiquement un cadeau en quelque sorte que Trump et ses partisans ont fait en affichant si fort leurs intentions, car cela donne à l’Iran un signal d’alerte rapide de ce qui est à venir dans les quatre à huit prochaines années et leur donne le temps d’aiguiser leurs défenses avant que le président élu n’entre en fonction. L’Iran doit se garder de Daech, non seulement de la part de l’Occident, mais aussi de menaces venant de l’Est, et il doit surveiller les Kurdes afin qu’ils ne soient pas hors de contrôle dans un proche avenir. La fragmentation apparemment inévitable de l’Irak est une autre crise imminente qui va sûrement accroître la rivalité américano-iranienne au Moyen-Orient, sans parler de la concurrence saoudienne-iranienne fomentée par les États-Unis et l’armée israélienne et l’accumulation monumentale d’armes fournies par les Américains à Riyad. Mais le centre de gravité géostratégique de la Nouvelle Guerre froide se déplace progressivement vers l’est en direction du sous-continent indien, et c’est là que le soutien clandestin indo-américain au militantisme séparatiste baloutche contre la CPEC, déstabilisera aussi l’Iran. C’est une étape pour éventuellement provoquer un conflit par procuration dans la zone autour de la  mer d’Arabie / Golfe d’Oman comme le golfe Persique l’a été dernièrement.

Andrew Korybko

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