jeudi 2 novembre 2017

Une Psy-Op sur l’alliance Taliban-Daech exposée comme un complot anti-CPEC

Article original de Andrew Korybko , publié le 10 octobre 2017 sur le site Oriental Review
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

CPEC Road Network

Les agences de renseignement américaine (CIA) et indienne (RAW) ont échoué dans leur frêle tentative de convaincre le monde que les talibans avaient tout à coup décidé de s’allier à Daech. Mais cette fausse nouvelle pourrait être le début d’une nouvelle tendance à assimiler au « califat » tout groupe armé hostile [aux USA, NdT] ou à accuser faussement des groupes amis d’être alignés avec Daech à des fins machiavéliques.



Internet était en effervescence pendant le week-end dernier avec encore une fausse nouvelle diffusée par la CIA, sauf que cette fois-ci il s’agissait des talibans et de Daech et non pas de la Chine et des musulmans comme la semaine dernière. Le média local afghan 1TVNews a apparemment été le premier à lancer la « nouvelle » d’un « haut responsable de la sécurité dans la province du Helmand du Sud », selon laquelle le chef taliban Hibatullah Akhundzada aurait appelé à une « paix des braves » indiquant que leur organisation ne se battra plus contre Daech à cause de leur prétendu « objectif partagé ». En l’espace de quelques heures, cette histoire non vérifiée a pris de l’ampleur et s’est répandue partout dans le monde, et elle a même été reprise par RT, le créateur de tendances des médias alternatifs. Il est apparu rapidement que le « haut responsable de la sécurité » serait le général Abdul Raziq, le chef de la police de Kandahar, qui a clairement intérêt à promouvoir ce faux récit afin de « légitimer » des attaques américaines plus agressives contre les talibans dans sa région.

Des fausses nouvelles en tant que nouvelle stratégie contre le corridor économique sino-pakistanais (CPEC)

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La raison pour laquelle cette histoire est appelée une fausse nouvelle tient au démenti du porte-parole taliban Zabihullah Mujahid qui a déclaré lundi à l’agence de presse iranienne Tasnim que tout était fabriqué et que « les ordres des dirigeants talibans à tous les moudjahidines était de prévenir au maximum toute activité de Daech (…) Combattre les groupes de Daech est le décret des chefs talibans (…) S’unir avec un groupe qui considère le meurtre des musulmans innocents et sans défense comme légal serait impossible. » Étant donné que cette « fausse nouvelle » a été démystifiée par l’un des porte-parole officiels du groupe, cela soulève la question évidente de savoir pourquoi elle a été inventée et comment elle s’est propagée si rapidement sur Internet au cours du week-end. Il semble improbable que les propos d’un chef de la police afghane locale acquièrent instantanément une attention mondiale sans une sorte de campagne d’information préméditée, suggérant ainsi la complicité des agences de renseignement américaines CIA et indienne RAW pour pousser ce récit – parce que c’est avantageux pour leurs intérêts.

Le rapport d’information original de 1TVNews comprenait également un important passage indiquant que « Akhundzada était accompagné de Quetta Shura, un conseil des leaders talibans basé au Pakistan », essayant ainsi d’en déduire qu’Islamabad soutenait une composante influente des talibans. Cela conforte les remarques de Trump de la fin du mois d’août quand il a déclaré que « le Pakistan donne souvent refuge aux agents du chaos, de la violence et de la terreur », propos complétés par pure coïncidence le week-end dernier par le secrétaire américain à la Défense, Mad Dog Mattis, qui a menacé de retirer au Pakistan son titre d’« Allié majeur non-OTAN » (MNNA) s’il ne coopère pas pleinement avec les États-Unis dans ses capacités « antiterroristes » (lire : anti-taliban). Par extension, cette attaque à la fausse nouvelle signifiait que le Pakistan était un « refuge » pour Daech en raison de l’alliance supposée du groupe avec les talibans, ce qui permettrait aux États-Unis de commencer à faire valoir que le pays est un « État sponsor du terrorisme » et donc éventuellement soumis à des sanctions qui, en tout état de cause, seraient dirigées contre le CPEC d’une manière ou d’une autre.

Pourchasser Daech à travers l’Eurasie

Une raison plus immédiate et tactique pour ce canular est qu’il fournit une « légitimité » à l’effort américain pour intensifier ses attaques contre les talibans par des frappes aériennes et prétendument un soutien héliporté à l’armée afghane au motif que le groupe est prétendument maintenant une « filiale de Daech », ce qui « délégitimerait » en soi les talibans de toute négociation de paix prospective et saboterait par conséquent le nouveau processus de dialogue dirigé par Moscou. La fausse équivalence entre ces deux groupes est également politiquement opportune en ce sens qu’elle permet aux États-Unis d’élaborer un récit selon lequel son regain d’intérêt pour l’Afghanistan consiste à poursuivre sa campagne anti-Daech lancée au Moyen-Orient, ce qui donnerait l’impression que les États-Unis sont sur une initiative opérationnelle globale contre le groupe pour regagner un « leadership perdu » sur ce front après que la Russie leur « a volé la vedette » il y a deux ans en Syrie. Le monde devrait toutefois se méfier de ce scénario car il pourrait être utilisé non seulement en Afghanistan, mais aussi ailleurs, surtout si les États-Unis décident d’« encadrer » certains de leurs substituts non étatiques.

Faux drapeau et Fausses Nouvelles

Par exemple, sous couvert de la « lutte contre Daech » et de ses prétendus « affiliés », les États-Unis et leurs alliés régionaux « Lead From Behind » pourraient initier des psy-ops sous forme de fausses nouvelles contre les acteurs locaux avec qui ils étaient alliés auparavant pour utiliser une présence physique sur le théâtre opérationnel ciblé comme prétexte pour commencer des opérations militaires. Tout ce qu’il faudrait, c’est une opération similaire à celle qui a eu lieu ce week-end pour tenter de faire croire au monde qu’un groupe donné est soudainement aligné sur Daech. Bien sûr, cela pourrait même être vrai, mais tardivement rapporté jusqu’à ce qu’un moment opportun soit utilisé par les États-Unis et leurs partenaires pour prendre des mesures décisives. Il est difficile de prédire exactement où cet exemple pourrait se manifester à l’extérieur du « Syraq » et de l’Afghanistan, mais une possibilité pourrait se situer au Myanmar si les États-Unis décidaient d’activer leur « Asakan Rohingya Salvation Army » (ARSA), leur proxy local, pour débuter un scénario à la kosovare  pour ce pays sur la base du fait que leurs partenaires locaux ont fait défection pour rejoindre Daech.

En fait, cela pourrait s’avérer être vrai, mais cela pourrait néanmoins être exploité par les États-Unis pour les besoins géostratégiques décrits brièvement ci-dessus et plus en détail dans le lien hyper-texte. L’indicateur clé à prendre en compte est la rapidité avec laquelle cette histoire se propage dans les médias mainstream et si elle suscite une réaction significative de la part des États-Unis ou de leurs partenaires. Si c’est le cas, il y a un risque accru que l’accusation en question – qu’elle soit objectivement vraie ou seulement une fausse nouvelle – soit promue afin de pré-conditionner la population avant une éventuelle campagne de guerre conventionnelle ou hybride. Il suffit de rappeler comment les États-Unis ont nié les affirmations de la Russie, au cours de ces deux dernières années, que Daech avait pris pied en Afghanistan, mais maintenant qu’ils y voient une occasion égoïste de faire avancer leur programme de Nouvelle Guerre froide, ils n’hésitent pas à reconnaître ce fait, en l’exagérant, et même en l’exploitant contre les talibans, sans parler des autres acteurs sur les futurs champs de bataille ailleurs en Afro-Eurasie.

Andrew Korybko

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