mercredi 31 janvier 2018

Pourparlers entre Coréens : qui a réussi à faire le premier pas ?

Article original de Andrew Korybko, publié le 15 janvier 2018 sur le site Oriental Review
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

Intra-Korean talks

Les pourparlers entre Coréens ont repris à la veille des Jeux olympiques d’hiver de PyeongChang, immédiatement après le tweet menaçant de Trump à propos de son gros bouton nucléaire.

Le président américain a prétendu dans un tweet plus tard que sa position ferme était la raison pour laquelle Kim Jong-Un a décidé de retourner à la table des négociations. Mais la vérité est que la Corée du Nord l’a fait immédiatement après que les États-Unis et la Corée du Sud ont décalé un exercice militaire à après les prochains Jeux Olympiques. Rétrospectivement, il est possible que la « stratégie nucléaire » de Trump sur les médias sociaux ait eu pour but de détourner l’attention des masses mondiales de ce fait « politiquement gênant » et de fournir une distraction « honorable » à un mouvement pragmatique qui aurait autrement pu être dépeint de manière trompeuse par ses adversaires comme un « recul ».



À l’heure actuelle, Trump croit que la mise en œuvre de sa « théorie des fous » est la raison pour laquelle Kim a reculé et pas lui, alors que Kim semble penser que son année de tests nucléaires et de lancements de missiles réussis a forcé les États-Unis à faire le premier pas pour désamorcer la situation en retardant leurs prochains exercices militaires avec la Corée du Sud. Les deux parties peuvent écarter toute critique sur qui a fait le premier pas en adoptant cette accusation et en la justifiant sur la base de leur « esprit olympique » transformant ainsi toute attaque potentielle en un avantage en termes de soft power si elles sont assez intelligentes.

Il est fort probable que cette « détente » naissante ne durera que jusqu’à la fin des Jeux olympiques, voire pas du tout, mais il y a aussi la possibilité qu’elle puisse offrir à la Chine une occasion en or de progresser dans la médiation de la crise péninsulaire. Pékin a déjà réclamé un soi-disant « double gel » soit la suspension simultanée des exercices militaires américano-sud-coréens et des essais nucléaires et de missiles nord-coréens, ce qui est en réalité ce qui s’est passé temporairement, même si aucune des parties ne le reconnaît ouvertement. Selon les résultats des pourparlers entre Coréens, le président sud-coréen Moon Jae-In pourrait même être encouragé à relancer l’engagement de la campagne de l’an dernier d’entamer une « nouvelle politique d’ensoleillement » envers la Corée du Nord.

L’obstacle à cette politique a toujours été les États-Unis, qui ont cherché à provoquer la Corée du Nord au cours de l’année afin de fournir à la Corée du Sud un prétexte [ou une obligation, NdT] plausible pour étouffer cette politique et accepter plus de déploiements de missiles anti-aériens THAAD sur la péninsule. Aussi il reste à voir si l’Amérique ruinera les progrès éventuellement positifs que les deux parties pourraient faire. Cependant, même si elle essaie, il serait important que la Corée du Nord ne morde pas à l’appât, car ce geste de bonne volonté pourrait créer une confiance énorme envers les Sud-Coréens et leur montrer que Pyongyang est sérieux dans son approche pour respecter le « double gel » proposé par la Chine. Celui-ci pourrait entrer en vigueur tant que Séoul est convaincu de continuer à retarder les exercices militaires avec les États-Unis ou les suspendre purement et simplement, comme le proposait Pékin.

Pour revenir sur la question initiale de l’analyse, on peut conclure que Trump et Kim n’ont pas fait marche arrière pour ouvrir la voie aux pourparlers entre Coréens, mais qu’ils ont tous deux intérêt à faire croire que leur rival est celui qui l’a fait. Le juge ultime sera de voir lequel des deux va subvertir « l’esprit olympique » soit pendant les jeux, soit après, en revenant au statu quo d’une hostilité rhétorique à grand renfort de communiqués guerriers.

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie « Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime » (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

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