samedi 5 décembre 2015

Les fils de l’intrigue néo-capitaliste se dissolvent, l’épilogue approche


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Article original de James Howard Kunstler, publié le 30 Novembre 2015 sur le site kunstler.com 
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
  
Parfois, les sociétés deviennent tout simplement folles. Japon, 1931. Allemagne, 1933. Chine, 1966. Espagne, 1483. France, 1793. Russie, 1917. Cambodge, 1975. Iran, 1979. Rwanda, 1994. Congo, 1996, pour n’en citer que quelques-unes. Par folie, je veux dire un moment où n’importe quoi peut se produire, en particulier le meurtre de masse. Les États-Unis sont sortis de la route en 1861, et bien que le massacre organisé ait développé une série de mythologies historiques romantiques, surtout après que Ken Burns l’a converti en une émission de télévision, le monde civilisé, à ce moment-là, n’avait presque jamais vu une telle orgie épique de fornication avec la mort.



Je doute que je sois le seul à me soucier du fait que l’Amérique d’aujourd’hui soit en train de perdre son esprit collectif. Nos relations officielles avec les autres pays semblent parfaitement conçues pour provoquer le chaos. Les universités ont sombré dans des puits toxiques sans fond, au delà même de l’anti-intellectualisme, vers le royaume de l’hallucination. Des hommes armés déments fauchent de parfaits inconnus chaque semaine dans ce qui ressemble à une concurrence croissante pour mettre fin à leurs vies misérables avec le score le plus élevé de victimes. Les ingénieurs financiers ont fait tout leur possible pour pervertir et saper les activités de marchés. Les partis politiques se suicident par désintérêt et corruption.

Il n’y a pas de narrative pour expliquer notre comportement envers la Russie qui ait un sens. Notre campagne pour déstabiliser l’Ukraine a bien fonctionné, non ? Et puis nous avons été surpris quand la Russie a reconquis le territoire traditionnellement russe de la Crimée, avec ses ports stratégiques en eau chaude. Qui aurait pensé cela ? Ensuite, nous avons essayé de les contrarier avec des sanctions économiques. Le résultat concret est que Vladimir Poutine a fini par sembler plus rationnel et plus sain que tous les dirigeants (?) de la coalition de l’Otan.

Dernièrement, la Russie a rempli le vide de leadership compétent en Syrie, nettoyant les dégâts que l’Amérique a causés avec ses deux décennies de croisade, en laissant une succession de gouvernements brisés partout dans la région. Il y a quelques semaines, M. Poutine a fait le constat, devant l’Assemblée générale de l’ONU, que la démolition systématique de toutes les nations faibles environnantes n’était probablement pas une recette pour la paix mondiale. Le président Obama n’a jamais proposé un moyen cohérent de réparer tout ça. Il est un peu effrayant de réaliser que notre adversaire ancestral soit la seule figure sur la scène mondiale qui puisse venir avec une histoire crédible sur ce qui devrait se passer là. Et sa retenue cette semaine, suite à l’attaque sur un bombardier russe, abattu par des idiots en Turquie avec l’assistance des USA, est vraiment remarquable. Tout cela ressemble à une action irresponsable provoquée par notre camp en vue de la troisième guerre mondiale, et pour quoi ? Pour rendre le monde plus sûr pour les Kardashian ?


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Le tapage sur les campus, avant Thanksgiving, est plus un reflet de la lâcheté incroyable des directeurs de collèges que de la folie de jeunes esprits qui, n’étant pas entièrement formés, sont facilement sensibles à des fictions idéalistes. Les adultes en charge devraient mieux le savoir. Le président de l’université de Princeton, Christopher Eisgruber, a effectivement instrumentalisé la demande d’une ligue noire de justice sociale d’effacer la présence de Woodrow Wilson sur le campus, au motif que sa mémoire témoigne d’un archi-ségrégationnisme, en exigeant en même temps un espace social distinct (c’est-à-dire ségrégation) seulement pour les noirs. Comment a-t-il pu concilier ces deux réclamations dans son propre esprit, je me le demande ?

Le président Biddy Martin d’Amherst a flatté les étudiants qui protestaient contre la liberté de parole, en disant :
«Au cours de ces derniers jours, un grand nombre d’étudiants ont parlé avec éloquence et de façon émouvante de leurs expériences du racisme et des préjugés sur et hors du campus. La profondeur et l’intensité de leur douleur et leur épuisement sont évidents. Cette douleur est réelle. L’expression de leur solitude et de leur sentiment d’invisibilité est déchirant. Aucune tentative pour minimiser ou banaliser ces sentiments ne sera convaincante pour ceux d’entre nous qui les ont écoutés. Il est bon que nos étudiants aient saisi cette occasion de parler, plutôt que d’intérioriser leur isolement et le manque de soins qu’ils ont décrits.»
Résultat final : le préjudice moral annule prétendument la liberté d’expression. Non, c’est exactement à l’opposé de la signification du Premier Amendement. Comment un président d’université peut-il ne pas comprendre cela et ne pas défendre le campus contre ce genre de despotisme jacobin ? La réponse est qu’ils sont les otages de dogmes mijotés par des carriéristes autour de la notion de race et d’identité, qui ne se soucient pas vraiment de faire des distinctions entre ce qui est vrai et ce qui est faux – et c’est ce qui est maintenant le ton officiel de l’enseignement supérieur en Amérique. C’est un raccourci pour ne plus connaître la différence entre ce qui est réel de ce qui est irréel.

Le phénomène des hommes armés isolés, déments tuant des étrangers et des innocents va se transformer en insurrection civile, d’autant plus que les principaux partis politiques se délitent et les que factions décomplexées parlent de régler leurs vieux comptes par tous les moyens possibles. L’Histoire enseigne que la violence est contagieuse et que les inhibitions sociales s’effacent lorsque les conditions sont réunies. Les groupes se donnent la permission d’agir en dehors des limites d’un comportement normal, et tout d’un coup, les atrocités viennent à l’ordre du jour.

Les deux, Trump et Hillary, ont la recette pour détruire leurs partis respectifs et je pense que la probabilité est forte qu’ils le feront. Malheureusement, nous ne vivons pas dans un régime parlementaire qui reconnaît les factions plus petites comme des partis légitimes, de sorte que nous sommes sûrs de vivre une ère de désordre politique. Ce qui en ressort pourrait être un régime politique très sévère, car il sera fondé sur le désir de rétablir l’ordre à tout prix.
Il est probable que la poussée initiale, dont cette situation a besoin [pour s’effondrer], viendra avec l’implosion du système financier, qui est maintenant en cours sur les ruines du crédit agonisant. Le faux capitalisme règne, fondé sur de faux capitaux, sur une richesse nationale fantasmée et sur des valeurs depuis longtemps disparues. Des moments comme cela dans l’Histoire ont ouvert le chemin directement vers l’effondrement de la monnaie, et cela va ouvrir la porte à un  effondrement beaucoup plus grand de tous nos arrangements familiers.

Il y a sûrement une sorte d’organe sensoriel massif, invisible dans les sociétés, qui reçoit le signal que tous les systèmes sont en crise. Et encore plus sûrement, cela angoisse les individus de ces sociétés à un point tel qu’ils seront prêts à croire et à faire n’importe quoi.

James Howard Kunstler

James Howard Kunstler est l’auteur de nombreux livres, y compris (non-fiction) The Geography of Nowhere, The City in Mind: Notes on the Urban Condition, Home from Nowhere, The Long Emergency, Too Much Magic: Wishful Thinking, Technology et The Fate of the Nation. Ses romans incluent World Made By Hand, The Witch of Hebron, Maggie Darling — A Modern Romance, The Halloween Ball, Embarrassment of Riches, et bien d’autres. Il a publié trois romans avec Water Street Press: Water Street Press: Manhattan Gothic, A Christmas Orphan et The Flight of Mehetabel.

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