jeudi 27 octobre 2016

La paix insaisissable et la guerre civile du Grand Moyen-Orient

Article original de Gulam Asgar Mitha, publié le 2 Août 2016 sur le site Oriental Review
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

The elusive peace and the Great Middle East civil war 

En politique, rien n’arrive par accident.
Si cela se produit, vous pouvez parier que cela a été planifié de cette façon.
Franklin D. Roosevelt
 

1950-1978

La paix a toujours été insaisissable depuis que j’ai l’âge de comprendre la politique au milieu des années 1960. Pendant trois décennies après la Seconde Guerre mondiale, les deux superpuissances, USA et URSS, ont mené des guerres idéologiques sur le théâtre de l’Asie du Sud-Est. La première action militaire de la guerre froide pour la suprématie politique, militaire et économique mondiale a commencé en juin 1950 entre la République populaire de Corée soutenue par les Soviétiques au nord et la République de Corée au sud, pro-occidentale. Le Vietnam ou la deuxième guerre d’Indochine a suivi en novembre 1955. A la fin des deux guerres, en 1975, les pertes totales allaient de 6 à 8 millions de personnes. Les deux guerres ont été menées en vain.


Alors que les Américains étaient engagés en Extrême-Orient, les néo-conservateurs pro-israéliens, Henry Kissinger (qui a désengagé avec succès les États-Unis d’Indochine) et Alan Greenspan ont saisi l’occasion d’influer sur les politiques étrangères et économiques de Washington en faveur d’Israël, qui a déchaîné la terreur sur les Palestiniens en les expulsant de leurs terres ancestrales avec l’intention de construire des colonies. Les Palestiniens sont devenus des sans-abri et des sans État. Ils ont pris les armes pour se défendre et ont été stigmatisés comme terroristes.

Les armées arabes égyptienne, irakienne, syrienne, algérienne, marocaine et jordanienne, soutenues par les Soviétiques et financées par le pétrole de l’Arabie et du Koweït, n’ont pas fait le poids face à l’armée israélienne très disciplinée pendant les courtes guerres en 1967 et 1973. L’Égypte, en plein marasme économique, a été le premier pays arabe à tomber dans le camp américain attirée par l’aide économique. Les autres ont suivi.

1979-1990

Les États-Unis ont dû abandonner leurs efforts en Extrême-Orient et sont passés à une nouvelle guerre dogmatique, économique, religieuse et politique dans les régions du Moyen et du Proche-Orient impliquant le contrôle des ressources, la protection d’Israël contre les musulmans arabes et l’assurance d’une hégémonie sur ces pâturages.

Le premier conflit majeur du XXe siècle entre musulmans a commencé entre l’Iran et l’Irak entre 1980-1988, entraîné par un zèle religieux après la révolution iranienne de 1979, lorsque les chiites ont pris le pouvoir après la révolution. Non seulement les Irakiens baathistes sunnites se sentirent menacés, mais ce fut aussi le cas des Arabes majoritairement sunnites financés par l’Arabie saoudite. À la fin de la guerre, près d’un million de personnes étaient mortes des deux côtés.

En même temps que la guerre Iran-Irak faisait rage, les puissances occidentales ont saisi l’occasion pour former une coalition de musulmans sunnites financés par l’Arabie saoudite et formés par l’armée pakistanaise pour chasser les Soviétiques d’Afghanistan entre 1979 et 1990. L’Afghanistan, depuis, est plongé dans une lutte de pouvoir entre les différentes tribus après le retrait soviétique. La guerre en Afghanistan a également donné naissance à l’intégrisme religieux et au terrorisme parrainé par les États dans les pays musulmans.

1990 – Les graines et les objectifs de la guerre civile

La région a connu de nombreuses guerres (après la fin de la guerre froide et la fin de l’empire soviétique) impliquant les pouvoirs occidentaux et les musulmans, mais avec l’invasion de l’Irak et le Printemps arabe, un changement orchestré par les Américains a évolué avec une montée en puissance des chiites aux dépens des sunnites depuis l’Iran en passant par l’Irak, la Syrie et le Liban sous la forme d’un croissant inversé. Dans le même temps, les puissances occidentales ont encouragé l’Arabie saoudite à former une coalition sunnite. Le paradigme d’une guerre civile [au sein du monde musulman, NdT] commence à prendre forme.

Dans sa déclaration la plus simpliste, «la guerre civile est destinée à fournir un mur de sécurité pour l’État d’Israël». Cette sécurité n’est possible que si les musulmans ne s’unissent pas. Une guerre civile ne se contente pas d’atteindre l’objectif pour que les musulmans restent divisés, mais elle fournit également des gains économiques importants parce que les États-Unis sont une économie de guerre. Les États-Unis ont été incapables de remettre sur pied leur économie chancelante après la grande récession de 2008. L’hégémonie américaine (ou de tout empire) a toujours reposé sur une emprise économique qui faiblit avec la force de l’empire.

Sunni-shiitemap3

Pour chaque empire dans l’Histoire, il y a eu un challenger, et pour les États-Unis, il se présente sous la forme de la Chine, la deuxième plus grande économie mondiale. La Chine a réussi à mettre un pied dans l’océan Indien avec le Pakistan, tout en faisant de même dans le Pacifique oriental avec la construction des îles artificielles pour soutenir des bases navales et militaires. La puissance militaire américaine s’est étirée à l’extrême à travers le monde comme l’empire romain l’a fait à travers l’Europe et en Asie et, ce faisant, elle s’est affaiblie.

La Russie est la deuxième force militaire la plus puissante après les États-Unis et un challenger à l’hégémonie américaine et ses impératifs eurasiens (empruntés au livre de Brzezinski Le grand échiquier). En tant que partenaires de l’OTAN, l’UE a été contrainte par les États-Unis d’enjamber les frontières occidentales de la Russie pour la contenir pendant la guerre civile musulmane. Comme je l’ai indiqué plus tôt dans l’article Comment les mensonges américains ont déstabilisé des régions globales, la crise en Ukraine en novembre 2013 a été lancée par les mensonges de la Secrétaire d’État adjointe américaine pour les Affaires européennes et eurasiatiques, Victoria Nuland (femme d’un leader néo-conservateur Robert Kagan), avec des objectifs géopolitiques et économiques (sanctions) contre la Russie.

La Chine et la Russie sous l’égide de l’OCS (Organisation de coopération de Shanghai) ont formé une force militaire d’opposition contre l’OTAN. James Bellacqua a noté dans son livre L’avenir des relations Chine-Russie qu’elles entretiennent des relations particulièrement étroites et amicales, une forte coopération géopolitique et régionale et un commerce important. Cela provient principalement des conceptions de l’hégémonie américaine en Eurasie.

Le chef suprême de l’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei, a mis en garde son équipe de négociateurs dans le dossier du nucléaire «sous les accords USA-UE sur le nucléaire se cachent d’autres enjeux» et dans ma compréhension subtile, il a perçu la guerre civile entre chiites et sunnites. Les ayatollahs iraniens savent, ils ne sont pas ignorants. C’est l’Iran qui se bat contre les terroristes. Ils n’en font pas la promotion. En levant les différentes sanctions et embargo pétrolier sur l’Iran, les États-Unis ont fourni à l’Iran la possibilité économique de se préparer à cette éventualité.

À propos de la guerre civile

Une opération sous faux drapeau américaine ou israélienne ou un malentendu entre les chiites et les sunnites pourrait la provoquer. La guerre civile pourrait commencer 12 à 18 mois après les élections américaines.
Les régions musulmanes du Moyen-Orient et du Proche-Orient seront toutes impliquées dans le conflit avec les puissances de l’OTAN qui soutiennent généralement la coalition musulmane sunnite, soutenue elle par un financement de l’Arabie saoudite, tandis que la Russie et la Chine soutiendront les chiites soutenus par un financement iranien. L’OTAN contiendra la région eurasienne le long de la frontière russe de l’Ukraine pour l’empêcher d’être directement impliquée.

Un scénario plausible pourrait se développer conduisant l’armée chinoise soit à envahir le Pakistan nucléaire soit à permettre l’accès à l’Iran si le Pakistan se joint à l’OCS comme membre à part entière en 2017. La Turquie et l’Égypte devraient sans aucun doute soutenir les musulmans sunnites en raison de leur proximité politique avec l’Arabie saoudite autour de l’«islam» (islam utilisé à des fins politiques par le djihad ou la guerre sainte). Note : le djihad dans l’islam politique est non seulement mené contre les non-musulmans, mais aussi contre les musulmans par l’oppression étatique.
  • La guerre civile pourrait se prolonger pendant une longue période, peut-être 5 à 7 ans.
  • La désunion musulmane au cours d’une guerre civile sera un bouclier protecteur pour Israël.
  • L’image de l’islam a été ternie, mais la guerre civile va l’aggraver.
  • Les prix du pétrole vont augmenter de façon exponentielle et les économies des États-Unis et de l’UE seront en plein essor alors que leur industrie de défense fonctionnera à pleine capacité.
Les Djihadis (guerriers religieux) quitteront l’Europe et l’Amérique du Nord pour combattre dans cette guerre civile purgeant ainsi le terrorisme en Amérique du Nord et en Europe.

Épilogue

La guerre civile peut être évitée si les musulmans et en particulier si les dirigeants arabes renoncent à leur sentiment de supériorité mentale, à l’ignorance et à l’utilisation de l’islam pour leur rivalité ainsi que pour des gains politiques et économiques. La guerre civile sera une éventualité majoritairement favorable aux impératifs américains et à la sécurité israélienne. À un certain moment pendant la guerre civile, les factions belligérantes vont en venir à une même compréhension des causes et devraient enterrer leurs haches de guerre comme l’ont fait les Européens après les guerres coloniales et mondiales. Ce sera le cas lorsque la paix ne sera plus insaisissable.

Gulam Asgar Mitha est un ingénieur retraité de la sécurité technique. Il a travaillé avec plusieurs compagnies pétrolières et gazières nord-américaines et internationales. Il a travaillé en Libye, au Qatar, au Pakistan, en France, au Yémen et aux EAU. Actuellement Gulam vit à Calgary, au Canada et aime lire et rester en phase avec les questions politiques mondiales actuelles.

Note du traducteur 

Ce nouvel auteur, que nous n'avions jamais traduit, a son analyse de l'histoire bien à lui. Elle est critiquable, mais ses projections géopolitiques sont intéressantes notamment autour du concept de guerre civile qui sonne comme la prophétie auto-réalisatrice d'Huntington.

Il est sans doute vital de dénoncer les collusions des élites occidentales avec l'Arabie saoudite pour leur couper l'herbe sous le pied et empêcher cette guerre. On voit bien en Syrie que sunnites et chiites peuvent très bien vivre ensemble si on laisse les populations s'organiser elles-mêmes.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire